Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas entendu des termes comme «vitalité» ou «retour en force» dans l'industrie québécoise du capital-risque. Mais avis à tous les inventeurs de la province: les gens intéressés à financer vos projets semblent enfin vouloir sortir de leur trou.

«Je crois qu'on peut dénoter une tendance. Le troisième trimestre a été beaucoup plus fort que le deuxième, et même si je n'ai pas de boule de cristal, je crois que le quatrième s'aligne très bien», dit François Chaurette, coprésident de Réseau Capital, l'Association du capital-risque québécois.

 

Pour un homme qui parlait de situation «alarmante» et «précaire» en début d'année, le changement de ton est important.

Les chiffres de Thomson Reuters montrent qu'il s'est investi 87 millions en capital-risque au Québec au troisième trimestre. C'est moins qu'à la même période l'an dernier (-21%), mais plus qu'au deuxième trimestre (+25%). Le grand gagnant de la tournée est la biotech Enobia, de Montréal, qui a raflé 50 millions. Mais ce qui frappe, c'est que le Québec s'en sort très bien quand vient le temps de soutenir les idées risquées mais prometteuses de ses entrepreneurs.

De janvier à septembre, les investissements en capital-risque ont augmenté de 2% au Québec par rapport à l'an dernier, alors qu'ils dégringolaient de 44% aux États-Unis et de 87% en Ontario.

Selon M. Chaurette, le fait que le Québec ait été moins touché par la récession fournit certainement une partie de l'explication.

L'autre volet pourrait venir de mesures comme Teralys, un nouveau fonds de capital-risque créé cette année par le Fonds de solidarité FTQ, la Caisse de dépôt et le gouvernement du Québec. Teralys est un «fonds de fonds» de 825 millions qui renflouera les coffres des fonds spécialisés en capital-risque. L'argent de Teralys n'est pas encore parvenu aux entreprises et ne figure donc pas dans les statistiques. Mais il aurait peut-être déjà servi d'étincelle.

«On attire davantage d'investisseurs étrangers au Québec parce qu'ils voient avec intérêt tout cet argent qui va être investi. Pour eux, ça diminue le risque», dit M. Chaurette. Les étrangers ont en effet triplé leur contribution au troisième trimestre par rapport à l'an dernier - un «retour en force», écrit Réseau Capital.

Les deux principales industries qui carburent au capital-risque, les technologies de l'information et les sciences de la vie, ont bien senti le changement.

Frank Béraud, directeur aux politiques et au développement stratégique chez Bioquébec, parle d'un «optimisme modéré». S'il accueille favorablement l'arrivée de Teralys et la création de fonds destinés aux entreprises d'amorçage par le gouvernement du Québec, il trouve cependant qu'ils arrivent un peu tard compte tenu que la crise financière a paralysé les investissements l'an dernier et qu'aucune aide d'urgence n'a été débloquée.

L'ampleur des dégâts? Il est en train de l'évaluer. «Ma perception, c'est que les faillites ne sont peut-être pas si nombreuses, mais que plusieurs compagnies ont licencié ou se sont mises en pseudo-hibernation en stoppant leurs projets», dit celui qui parle maintenant d'une «petite lumière au bout du tunnel».

L'enthousiasme est plus clair du côté des technologies de l'information.

«On a fait un événement de la rentrée en septembre et j'ai rarement vu des signes aussi positifs», dit Nicole Ménard, PDG de l'Association québécoise des technologies.

Selon elle, la force du dollar canadien incite plusieurs entreprises, même de petite taille, à se tourner vers les États-Unis pour y faire des acquisitions. Elle croit que les investisseurs, après avoir fermé le robinet pendant quelques années, ont maintenant du capital à investir.

«Ils ont de l'appétit, dit Mme Ménard. Et des projets de croissance, des projets de fusions ou d'acquisitions, c'est exactement ce qu'ils regardent en ce moment.»