Rompant avec la tradition, la Société générale de financement (SGF) vient d'acheter la totalité des actions dans trois projets du secteur forestier. Les contribuables québécois sont ainsi devenus les seuls actionnaires de deux scieries gaspésiennes et de grandes terres à bois.

Cette situation est contraire à la politique affichée de la SGF, qui laisse habituellement une participation majoritaire à un entrepreneur privé. La sienne ne dépasse pas les 49%, comme le stipule encore son site internet.

Or, depuis le mois de mai, les Québécois sont devenus les actionnaires exclusifs d'un territoire forestier de 40 km2 situé près de Grande-Vallée, en Gaspésie. La seigneurie de la rivière Madeleine a été achetée de Domtar pour 8,5 millions de dollars.

Une deuxième acquisition est également située en Gaspésie, dans la circonscription de la vice-première ministre et ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau. Là, la SGF a racheté les actions que Tembec détenait dans Temrex. L'entreprise possède deux scieries, une à Nouvelle qui emploie 120 personnes et l'autre à Saint-Alphonse, qui en emploie une quarantaine. Ces derniers sont toutefois sans travail actuellement, en raison de problèmes d'approvisionnement, explique la porte-parole de la SGF, Sophie Alarie.

La SGF a payé 12 millions pour les 50% de parts détenues par Tembec, ce qui donne une valeur de 24 millions à deux scieries qui produisent des «2x4». La société d'État possédait déjà l'autre moitié. Lors du premier investissement en 2002, les partenaires avaient investi 65 millions.

Pourquoi ce rachat? Parce que Tembec «avait un urgent besoin de liquidités», souligne encore Mme Alarie.

C'est cette même raison qui a poussé, en mai, la SGF à racheter de Smurfit-Stone un immense territoire forestier en Haute-Mauricie. Là, la transaction est évaluée à plus de 60 millions pour 3890 km2 de ce qu'on appelle dans la région le «territoire des Francs-Alleux».

En tout, ce sont donc quelque 80 millions de dollars que la SGF a décidé de faire fructifier seule depuis le mois de mai, sans l'aide de promoteurs privés.

En 2006, elle avait fait de même quand elle a racheté de Bowater «Territoire forestier Lacroix» pour 49 millions. «C'était pour protéger ses intérêts dans Temrex», dit Mme Alarie. Les scieries de Temrex s'approvisionnent sur ce territoire.

Autre facteur, invoqué également dans le cas du «territoire des Francs-Alleux», la SGF voulait «que ça reste à des intérêts québécois».

Du «cas par cas»

La société d'État se défend d'avoir changé sa vocation d'accompagnateur du secteur privé pour prendre une place majoritaire. «Ce n'est pas la nouvelle vision de la SGF (d'agir seule)», précise la conseillère principale aux communications. «L'analyse se fait au cas par cas», explique-t-elle encore.

Dans le portefeuille de la SGF, d'autres investissements dépassent les 49% habituels. Mais il s'agit soit de très anciens placements, comme celui dans le Centre d'insémination porcine du Québec, soit dans des placements qui impliquent aussi une des filiales de la SGF.

En 2008, le Groupe Produits forestiers de la SGF a enregistré une perte de 8 millions comparativement à 19 millions l'année précédente.