En supprimant son catalogue, Canadian tire, a mis fin à une tradition qui remontait à 1928. Mais au contraire de celui de Sears, le sien était devenu un strict catalogue de référence.

«De plus en plus de gens vont sur Internet pour trouver de l'information sur les produits, explique la porte-parole Lisa Gibson. Ils consultaient et conservaient moins notre catalogue, alors que les visites sur notre site Internet augmentaient.» L'entreprise admet pudiquement avoir reçu «quelques plaintes». «Beaucoup de gens ont de bons souvenirs de ce catalogue, c'est certain», convient Lisa Gibson. Le problème, c'est que ces nostalgiques n'utilisaient pas plus le catalogue pour autant.

Sa disparition ne procure pas d'économies: ces fonds ont été réaffectés à l'amélioration du site Internet de l'entreprise, où on peut maintenant lire des critiques indépendantes sur les produits, voir des images qui pivotent sur 360° ou visionner des vidéos-conseils - toutes performances hors de portée du bon vieux catalogue.

Contraste: IKEA se cramponne

Pour la première fois depuis des lustres, le catalogue Ikea 2009 a réduit son format. Pas seulement au Canada, mais dans les 38 pays où il est distribué.

Le coût du papier a contraint à ces mesures... raccourcies, mais il n'est pas question de cesser la parution du vaisseau-amiral du viking du meuble.

Selon la porte-parole d'IKEA Canada, Madeleine Lowenborg-Frick, c'est la publication commerciale à la plus vaste diffusion dans le monde. Le catalogue Ikea paraît en 198 millions d'exemplaires, répartis en 54 éditions et en 28 langues. Au Canada seulement, IKEA publie 5,7 millions de catalogues, dont 1,3 million en français.

«Le catalogue est encore l'outil de référence et la source d'inspiration que notre clientèle demande», affirme Mme Lowenborg-Frick. «Internet ne rejoint pas autant de personnes que le catalogue. Ils se complètent très bien. Le catalogue incite à visiter le site Internet, où les clients trouveront des nouvelles continues, des outils de planification...»

Un peu comme un magazine de décoration, le catalogue IKEA inspire, suggère, titille...

«Les gens sont encore intéressés à avoir cet objet tangible, cet outil de référence rapide, qu'ils peuvent laisser sur la table d'appoint», ajoute Mme Lowenborg-Frick.

C'est la différence entre le catalogue de Canadian Tire et celui d'Ikea. Personne ne laissait le catalogue de pneus et clés à molettes sur la table du salon.

Benoît Bessette, vice-président et directeur général d'Identica Branding et Design, une unité du groupe Cossette, a un nom pour ce phénomène: une expérience de marque. «Le catalogue offre une expérience différente, et qui peut être déterminante pour certaines marques que j'appelle charismatiques», décrit-il.

IKEA, Holt Renfrew, Fruit & Passion - dont sa firme prépare le catalogue - en sont des exemples. Cette relation tactile, cette émotion de proximité, le catalogue les procure d'une manière qui demeure inaccessible à l'immatérialité d'Internet.

Luc Dupont, professeur de communication à l'Université d'Ottawa, défend le même point de vue, en parlant pour sa part de produits et entreprises cultes. «Quand vous vous adressez à des clientèles très pointues, le catalogue est une arme efficace», constate-t-il.

Sur le terrain, c'est précisément ce qu'observe Mélanie Béland, gestionnaire de compte chez Postes Canada et vice-présidente événements de l'Association de marketing relationnel. «Sears n'envoie son catalogue qu'aux clients actifs, et Canadian Tire a cessé de publier le sien, souligne-t-elle. Malgré tout, on semble en avoir davantage de plus petits, comme Mountain Equipment Coop. On distribue encore des catalogues, mais peut-être pas pour les mêmes joueurs qu'auparavant.»

Bref, pour survivre, le catalogue perd du poids, se spécialise, se raffine, et se déleste sur Internet de sa stricte fonction d'information.