L'abondante pluie tombée au Québec cet été aura affecté tant les producteurs de céréales et de légumes que les producteurs de fruits

CÉRÉALESLes aléas de la mondialisation

Les producteurs de céréales québécois ne sont pas seulement soumis aux caprices de dame Nature au Québec. Ils sont affectés par les conditions météo aussi loin qu'en Ukraine ou au Brésil.

Difficile de trouver une denrée d'alimentation plus mondialisée que les céréales comme le blé, le maïs et le soya. Elles se conservent longtemps, se transportent facilement et s'échangent sur les marchés boursiers. «Nous devons composer avec un contexte mondial», dit Christian Overbeek, président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.

Les lois du marché s'appliquent à tous les producteurs de céréales, mais les caprices de Dame Nature, eux, ne sont pas toujours égaux. «Cette année, les conditions climatiques ont été idéales pour la production du blé et de l'orge en Europe de l'Est, alors que l'Amérique du Sud a été capable de produire beaucoup de soya. Au Québec, les récoltes sont décevantes à cause du climat», dit Christian Overbeek, qui produit du maïs, du blé et du soya sur ses 1000 acres de terres agricoles à Saint-Hyacinthe.

Une autre inégalité dans ce marché agricole mondialisé: l'écart des subventions gouvernementales. Le Canada est loin d'être le pays le plus pingre, mais il se compare difficilement à son voisin du Sud. Selon la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec, la générosité gouvernementale américaine équivaut à un avantage additionnel de 15%. «Nous demandons la parité avec les producteurs américains, sinon nous aurons moins de revenus afin d'augmenter notre productivité», dit Christian Overbeek.

PRIX (35 litres ou un boisseau US)

Blé 4,63$

Variation depuis un an -23,2%

Maïs 3,60$

Variation depuis un an -13,70%

Soya 9,12 $

Variation depuis un an -1,50%

Note : Données en date du 7 octobre à la fermeture des marchés.

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POMMES DE TERRE

Lendemain de veille

Après une année record en 2008, l'industrie québécoise de la pomme de terre vit un lendemain de veille difficile. Tout fonctionne au ralenti. Les volumes de production (-18%) comme les prix (-20%).

Si les prix n'ont pu se maintenir, c'est d'abord qu'ils ont atteint des niveaux records en 2008. Des records qui ont rendu certains producteurs américains - en particulier en Idaho - intransigeants dans leurs négociations avec les compagnies de croustilles et de frites. Résultat: ils ont perdu plusieurs contrats et sont retournés à produire de bonnes vieilles patates ordinaires, destinées à la consommation à table. «La demande était plus faible cette année en raison des exportations américaines, dit Annie Berger, économiste de la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec. L'Idaho a produit plus de pommes de terre, ce qui a créé une pression sur le marché du Québec.»

Le sac de 10 livres de patates, qui s'échangeait en moyenne à 2,50$, est maintenant descendu sous la barre de 2,00$. «Les prix sont en train de chuter, mais nous avions des records l'an passé. Nous allons quand même faire un peu d'argent», dit François Desrochers, producteur de pommes de terre à Saint-Paul-de-Joliette.

Sur le marché des pommes de terre de transformation, c'est le monde à l'envers. Les hausses de prix sont respectivement de 12% (frites) et de 11% (croustilles). Ces pommes de terre se négocient deux fois moins cher que les patates de consommation, mais les producteurs à la solde de McCain, McDonald's, Frito Lay et Humpty Dumpty ont d'autres avantages: revenus garantis, pas d'efforts de commercialisation, des pertes de stocks beaucoup moins grandes.

Mais tout n'est pas parfait dans le monde de la patate de transformation. Bien que rentables, les patates destinées à devenir des frites ont un drôle de goût, ce qui ne les rend pas très populaires au repas du soir. «Quand ma blonde fait cuire mes pommes de terre, elle me sacre après!», dit Stéphane Blouin. Le producteur de patates frites à l'île d'Orléans pardonne facilement à son amoureuse ses caprices culinaires. «Les patates pour les frites n'ont pas le même goût que les autres car nous nous les plantons à partir des semences développées dans les laboratoires des compagnies de croustilles. Moi-même, j'aime mieux les patates rouges normales...»

VOLUME DE PRODUCTION

1,3 milliard de livres

(1,1 milliard en 2008)

PRODUCTION

Consommation courante 53%

Croustilles 20%

Frites 20%

Semences 7%

PRIX (10 livres)

Consommation courante 2,00$

Variation depuis un an -20%

Frites 1,30$

Variation depuis un an 12%

Croustilles 1,00$

Variation depuis un an 11%

-------------------------- POMMES

Jusqu'à épuisement des stocks... de l'an dernier!

Les Américains écoulent leur récolte de pommes au Québec. Rien de nouveau. À une exception près: ils écoulent leur récolte... de l'année dernière!

«Ils font des prix de liquidation, dit Daniel Ruel, directeur général de la Fédération des producteurs de pommes du Québec. Leurs pommes peuvent être très bonnes, mais ce n'est pas une pomme fraîchement cueillie. Il faut que le consommateur goûte aux deux types de pommes afin de faire la différence.»

Cette concurrence tardive vient surtout de l'État de Washington, le plus important producteur de pommes au sud de la frontière avec des récoltes annuelles de 5,2 milliards de livres (comparativement à 0,97 milliard de livres au Canada). En raison de l'évolution technologique des procédés de transformation, les pomiculteurs américains peuvent conserver leurs stocks plus longtemps. Et ainsi inonder les marchés étrangers l'année suivante. «Les Américains, qui sont subventionnés de plein de façons, sont en train de casser les prix ici», dit Robert Babeu, président de la Fédération des producteurs de pommes du Québec et propriétaire de deux vergers à Rougemont et Saint-Damase, en Montérégie.

Malgré l'invasion américaine, les pomiculteurs québécois devraient égaler leur production de l'an dernier: 227 millions de livres. Le problème, c'est que les vergers québécois ont produit des pommes plus petites qu'à l'habitude. Il y a donc trop de pommes trop petites sur le marché. «Les gens ne mangent pas une pomme et demie parce qu'elle est plus petite, dit Daniel Ruel. S'il y a plus de pommes dans le sac à l'épicerie, il va durer plus longtemps.»

Par surcroît, le cours de la pomme est à la baisse cette année. Le sac de McIntosh - une marque représentant 60% de la production québécoise - est passé de 14$ à 13$, une diminution de 8%. Au Québec, entre 40% et 50% des pommes sont croquées par les consommateurs. Le reste de la production - les pommes qui sont tombées avant d'être cueillies, par exemple - sert à faire du jus, des compotes ou d'autres produits dérivés du verger.

VOLUME DE PRODUCTION

227 millions de livres

(pas de variation avec 2008)

VOLUME DE POMMES CUEILLIES DANS LES VERGERS

22 millions

RÉPARTITION

Consommation courante 50% (dont 10% pour la cueillette)

Jus, compote et autres produits dérivés 50%

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LÉGUMES

Des inquiétudes partiellement fondées

Un été trop pluvieux inquiète toujours les producteurs maraîchers québécois. Cette année, leurs inquiétudes sont partiellement fondées.

«L'été pluvieux a engendré des problèmes accrus en matière de maladies et d'insectes. Il a aussi provoqué davantage de pourritures aux champs», dit Yvon Douville, directeur général de la Fédération des producteurs maraîchers du Québec.

Bon an, mal an, les producteurs maraîchers québécois génèrent entre 225 et 250 millions de dollars en chiffre d'affaires, dont 35% provient d'exportations aux États-Unis. Le chiffre d'affaires pourrait être plus modeste cette année, malgré la légère hausse des prix de certains légumes provoquée par leur rareté durant la période estivale. «Tant que la saison des récoltes ne sera pas terminée en novembre, c'est difficile de tracer un portrait de la situation», dit Yvon Douville.

Selon le Conseil québécois de l'horticulture, la croissance de plusieurs légumes - les choux, les choux-fleurs, les brocolis, les laitues, les céleris, les courgettes, les carottes et les oignons - n'a pas été ralentie par les caprices de Dame Nature.

-------------------------- FRAISES ET FRAMBOISES

Une histoire d'hiver

Dure année pour les producteurs de fraises et framboises. La production a chuté d'environ 40% en période de pointe cet été. Le coupable? La neige, tombée trop timidement sur les champs au début de l'hiver dernier.

«Il y a eu des pointes de froid intensives en décembre. Comme il n'y avait pas de neige, les plants n'ont pas été protégés du gel, dit Louis Gosselin, président de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec et producteur de fraises à l'île d'Orléans. Nous n'avons pas été capables de suffire à la demande, si bien que des épiceries sur la Cote Nord et au Lac-Saint-Jean ont été obligées d'acheter des fraises des États-Unis.»

Heureusement, la deuxième récolte de fraises et framboises, automnale celle-là, est exceptionnelle. La meilleure depuis plusieurs années. Le choc du début de l'été a toutefois été profond pour être oublié aussi rapidement. «Nous avons déjà vécu des années pires, mais nous allons quand même nous rappeler de celle-là», dit Louis Bélisle, un producteur de framboises de Saint-Eustache.

VARIATION DU VOLUME DE PRODUCTION EN 2009

-40%

RECETTES DU PRODUCTEUR (Panier de fraises)

Dans les marchés publics 49%

À l'épicerie 51%

PRIX (Panier de fraises)

À l'épicerie 1,00$

Dans les marchés publics Entre 2$ et 3$