Norbourg, un repaire de fausses signatures de clients? Pour faire croire que l'entreprise gérait des comptes valant des millions, à l'insu même de leurs signataires présumés?

C'est le portrait des débuts de la firme fondée par Vincent Lacroix qui se dégage des témoignages entendus hier, au troisième jour du procès criminel de cinq ex-dirigeants de Norbourg.

«Ce n'est pas ma signature»; «ces documents ne me disent rien»; «je n'ai jamais investi une telle somme chez Norbourg», ont témoigné à tour de rôle deux des sept clients principaux que Norbourg avait déclarés à la Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) (devenue l'Autorité des marchés financiers, l'AMF), lors d'une inspection spéciale menée en novembre 2002.

Et l'un de ces témoins est un oncle de Lacroix. Robert Simoneau, 63 ans, est un entrepreneur en ventilation vers lequel le fondateur de Norbourg s'était tourné dès 1998 pour obtenir des milliers de dollars en fonds de démarrage.

En deux ans, ces avances de fonds ont totalisé 409 000$. Par une série de chèques et sans reçus.

«La croissance de son entreprise m'impressionnait. J'avais confiance que mon investissement serait transformé en actions de Norbourg», a témoigné M. Simoneau.

Cette conversion survint à la fin de 2001. Puis, deux ans plus tard, à l'automne 2003, Robert Simoneau obtint une offre de Lacroix de racheter ses actions pour 600 000$.

Bref, en guère plus de deux ans, l'oncle entrepreneur et premier associé de Lacroix a dégagé un profit de 200 000$, ont souligné les avocats de la défense.

Malgré tout, a-t-il dit, «j'ai été berné par Vincent Lacroix, comme plusieurs autres personnes».

Pourquoi? C'est que pendant une heure, à la barre des témoins, M. Simoneau s'était fait présenter plusieurs documents financiers et juridiques saisis chez Norbourg et Polymof, la firme de Félicien Souka, l'un des ex-dirigeants accusés de fraude.

Ces documents concernaient un compte d'investissement de 4 millions de dollars chez Norbourg. De plus, ils étaient signés conjointement par Vincent Lacroix et... Robert Simoneau.

«Ces documents ne me disent absolument rien. Je n'y reconnais pas ma signature... Je n'ai jamais investi autant chez Norbourg, ni été en possession d'une somme de 4 millions. C'est incroyable», a réagi Robert Simoneau.

Avant lui, un autre client important déclaré par Norbourg à la CVMQ en 2002, Ernst Rahn, a aussi nié toute connaissance d'un compte prétendu à hauteur de 1,2 million.

Pourtant, cet entrepreneur retraité de 75 ans a aussi été confronté à une série de documents qui portait sa signature, avec celle de Lacroix.

«Ce n'est pas ma signature. Elle a été falsifiée. Je n'ai jamais fait de document avec Vincent Lacroix, que je ne n'ai jamais rencontré», a répété M. Rahn aux questions des avocats de part et d'autre.

Bref, jusqu'où allait la falsification de signatures de clients-investisseurs chez Norbourg?

D'autres témoignages de clients d'importance déclarés par Lacroix et ses adjoints à la CVMQ, en novembre 2002, sont attendus au cours des prochains jours.

Par ailleurs, le témoignage d'un cousin de Vincent Lacroix, David Simoneau, pourrait être aussi révélateur sur la falsification de signatures. David Simoneau a déjà été décrit en cour par le procureur de la Couronne comme un «acolyte» et un «complice» de Lacroix.

On a appris hier lors du témoignage de son père, Robert Simoneau, que David Simoneau avait été embauché au tout début chez Norbourg par Lacroix, malgré son inexpérience en finances.

Et hier, Robert Simoneau a eu peine à répondre aux questions des avocats de la défense qui tentaient d'associer son fils aux falsifications de signatures chez Norbourg.

«Il n'aurait pas signé de documents à mon nom sans m'en parler», a-t-il soutenu.

«Mais s'il l'a fait, est-ce que vous lui pardonneriez?» lui a demandé l'avocat André Lapointe.

«Tant qu'il n'a pas vidé mon compte de banque», a rétorqué M. Simoneau.