Vin et hors-d'oeuvre à volonté. Musique criarde crachée par des DJ. Orchestres de rue. Pendant quelques heures jeudi soir, l'industrie new-yorkaise de la mode a décidé de faire la fête et d'oublier cette récession qui lui fait la vie dure depuis un an.

En marge de la Semaine de la mode de New York, plus de 800 boutiques de la Grosse Pomme ont participé à la première édition de Fashion's Night Out. Le concept : étirer la fermeture des boutiques jusqu'à 23 h dans une ambiance festive. L'idée du maire Michael Bloomberg et de l'éditrice toute puissante du magazine Vogue aux États-Unis, Anna Wintour, a profité aux boutiques québécoises ayant pignon sur rue à New York. Aldo a reçu 4500 clients jeudi soir, une hausse de 200 % comparativement à son achalandage habituel de 1500 clients. «Les gens restent quand même prudents, dit Douglas Bensadoun, directeur artistique d'Aldo. Ils ont moins la tentation d'acheter, ils font plus de lèche-vitrine.»

L'affluence de Fashion's Night Out a tout de même permis de doubler les revenus de la soirée chez Aldo – une hausse qui arrivera à peine à couvrir les coûts supplémentaires de la soirée. C'est qu'Aldo a célébré le début de la Semaine de la mode en grand : un DJ en permanence et un concours de défilé animé par un animateur de MTV et une mannequin de l'émission de télé America's Next Top Model. «Pour nous, c'est davantage une soirée symbolique, dit Douglas Bensadoun. C'est une façon d'aider l'industrie à prendre un peu d'élan. On dit aux gens de prendre confiance, de sortir plus, de mettre plus d'argent dans l'économie»

Aldo peut bien se payer quelques extravagances. Malgré la récession, le détaillant québécois de chaussures a gagné des parts de marché dans ses 330 magasins aux États-Unis, dont une quinzaine dans la Grosse Pomme. «Nous avons récupéré des parts de marché, car les clients plus fortunés qui magasinaient dans des boutiques haut de gamme reviennent chez nous, où les souliers coûtent entre 50 $ et 150 $», dit Douglas Bensadoun.

La soirée d'ouverture de Fashion Week a été aussi couronnée de succès chez Tristan, qui a réalisé l'une de ses meilleures journées de ventes de l'année – à l'exception du temps des Fêtes, évidemment. Jeudi soir, son magasin situé au coeur du quartier des affaires de Manhattan a accueilli 800 clients jusqu'à 22 h 30. Malgré les rabais de 20 % offerts sur toute la marchandise, Tristan a doublé ses revenus habituels. «Ça fait du bien», dit en riant Marc Gaucher, le superviseur du magasin pour Tristan.

L'engouement de Fashion's Night Out a été plus mitigé chez Parasuco. Le géant québécois du jeans possède un superbe magasin dans le quartier branché de SoHo, mais celui-ci était presque vide jeudi soir. «Ce n'est pas la grosse affaire ce soir, mais nos ventes en 2009 ont augmenté par rapport à l'an dernier à cause des touristes européens qui viennent profiter du taux de change à New York, dit la gérante Melissa Komery. J'ai notamment beaucoup d'Allemands qui achètent mes jeans, qui sont entre 75 $ et 210 $. En Europe, ils paient au moins 300 $ pour la même qualité.»

Certaines marques québécoises profitent de la récession afin de tenter leur chance dans la capitale de la mode en Amérique du Nord. C'est le cas de Mackage, un fabricant de manteaux et de sacs qui loue un local pour le mois de septembre dans le quartier industriel retapé de Meatpacking, à Manhattan. «Nous avons pris cette décision à cause de Fashion's Night Out, dit la designer Elisa Dahan. C'est un événement pour encourager les gens à faire du shopping et il faut en profiter.»

Question de faire les choses en grand, Mackage a invité la mannequin québécoise Irina Lazareau à agir comme DJ pour la soirée. Bonne idée pour l'entreprise québécoise, qui ne peut de toute façon se payer une vedette comme Justin Timberlake, qui passait la soirée chez Sasks sur la 5e Avenue, ou encore comme Gwen Stefani, engagée par  Bloomingdale's.