L'appartement du présumé fraudeur Earl Jones est passé aux mains de ses créanciers vendredi soir. Des syndics de faillite ont pris possession de sa luxueuse résidence de 665 000$ de Dorval sous les yeux de quelques dizaines d'investisseurs floués. L'ex-conseiller financier n'était pas sur les lieux, mais il aurait été aperçu dans les parages à de nombreuses reprises dans les derniers jours.

«C'est un moment très symbolique pour les victimes, justice commence à être rendue», a affirmé Kevin Curran, un membre du comité des victimes d'Earl Jones, dont la mère a perdu toutes ses économies.

«Il était offensant de savoir qu'au moment où 20 personnes qui ont travaillé toute leur vie envisagent de vendre leur maison, il continue de se la couler douce dans une résidence huppée, et ce, malgré les nombreuses lettres d'expulsion qu'il a reçues.»

Les syndics sont arrivés à la résidence de la rive du lac Saint-Louis vers 17 h. Kevin Curran et Ginny Nelles - deux membres du comité des victimes - ont visité les lieux.

«Tout était là : les albums de famille, ses vêtements, les jouets de ses petits enfants», a raconté Mme Nelles, victime et amie de la famille Jones. «C'est une victoire de voir son appartement enfin saisi, mais en même temps, je ne peux pas m'empêcher de ressentir de la douleur pour sa femme et ses filles.»

Lors de l'opération, le huissier de justice François Taillefer s'est brièvement adressé aux médias pour confirmer que les serrures de l'appartement avaient été remplacées.

Il a toutefois refusé de spécifier si les trois autres propriétés d'Earl Jones - situées en Floride, à Cape Cod et à Mont-Tremblant - avaient officiellement été saisies.

En tout, la valeur des propriétés de M. Jones s'élève à 1,6 million de dollars. Les gains des saisies ne seront toutefois pas substantiels puisque ses biens immobiliers sont hypothéqués à plus de la moitié de leur valeur combinée.

Rappelons que l'Autorité des marchés financiers (AMF) soupçonne Earl Jones d'avoir détourné de 30 à 50 millions de dollars grâce à une fraude à la «pyramide de Ponzi». Ce stratagème consiste à verser de l'argent à des investisseurs tirés de leurs propres comptes ou des sommes versées par d'autres investisseurs plutôt que d'un profit réel obtenu en Bourse.

Environ 180 personnes auraient été flouées par Earl Jones. Kevin Curran, qui est rentré des États-Unis pour aider le comité des victimes, milite pour que les investisseurs reçoivent une aide spéciale du gouvernement.

«La majorité des victimes ont plus de 65 ans. Beaucoup sont malades. Il est donc hors question qu'elles retournent au travail. Au-delà des peines plus sévères pour les fraudeurs financiers, je pense que l'État montrerait beaucoup plus de compassion s'il versait une aide d'urgence mensuelle temporaire. Un peu comme le bien-être social ou l'assurance emploi. Le gouvernement québécois s'est montré très réceptif et j'espère qu'un système pourra être mis en place dès la fin du mois d'octobre.» Earl Jones a été accusé de quatre chefs de vol et quatre autres de fraude. Il sera de retour devant la cour le 28 septembre.

«Tout ce que je souhaite, c'est que justice soit véritablement rendue et qu'il ne sorte pas au sixième de sa peine», a ajouté Sue Brown, une femme âgée qui a perdu toutes ses économies.