À voir l'état de nos routes, à peu près personne ne doute de la nécessité de sortir l'asphalteuse du garage. Et si en plus ça permet de conserver des milliers d'emplois en temps de crise, tant mieux! Sauf que, quand arrivera la facture de ces travaux, le nombre de Québécois sur le marché du travail commencera à décliner.

Choc budgétaire en vue? Des travaux d'infrastructure, le gouvernement québécois en a prévu pour 41,8 milliards de dollars entre 2008 et 2013, plus près de neuf milliards d'Ottawa et des municipalités.

Québec financera ces travaux à long terme. Chaque année, il paiera des intérêts et remboursera une partie du capital emprunté. Ainsi, pour l'année en cours, la facture est de 288 millions... et grimpe rapidement à 1,4 milliard en 2012-13, selon les estimations du ministère des Finances, la dernière année pour laquelle le ministère a publié des prévisions.

Certains travaux d'infrastructures, comme les bâtiments, peuvent être amortis sur 50 ans. Le développement informatique, lui, doit être remboursé en 5 à 10 ans. Au 31 mars 2008, le taux d'intérêt moyen pondéré payé par Québec était de 5,2%.

L'économiste Marc Van Audenrode, de l'Université de Sherbrooke, ne remet pas en question le bien-fondé de ces dépenses, mais est tout de même « très inquiet » de l'état des finances publiques.  Le problème, ce n'est pas qu'on dépense quand l'économie va mal. Le problème, c'est de ne pas avoir mieux géré quand l'économie allait bien.»

Il a été un des premiers à faire le lien entre la précarité des finances québécoises et le «choc démographique» à venir : dans cinq ans, le nombre de travailleurs potentiel commencera à baisser au Québec. Moins de travailleurs signifie moins de croissance économique et, donc, moins de revenus pour l'État.

Il n'est pas le seul à s'en inquiéter. Les économistes de la Banque TD et de Desjardins ont aussi documenté le phénomène, de même que Luc Godbout, également de l'Université de Sherbrooke.

Pendant que des économistes s'inquiètent, la dette nette de la province aura continué à augmenter: de 129 milliards au 31 mars dernier, à 137 milliards le printemps prochain, à 145,6 milliards le suivant, soit 46,2 % du PIB québécois. Cette année seulement, alors que les taux d'intérêt sont à un creux historique, c'est plus de 6 milliards qui seront consacrés aux intérêts de la dette, ce qui représente plus de deux fois le budget du ministère des Transports.

Pour Marc Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale, cette situation est «très sérieuse». D'autant plus, souligne-t-il, que le déficit actuel de Québec est «structurel». «Le déficit augmente au fil des ans, même quand la reprise économique s'installera», dit-il.

Son collègue de la Banque Laurentienne, Sébastien Lavoie, estime d'ailleurs que le déficit québécois sera plus élevé que les 3,9 milliards annoncés au printemps. «Ça pourrait tourner autour des 5 milliards», estime-t-il.

La semaine dernière, l'agence de notation Standard & Poors a aussi fait passer à « stables » ses perspectives pour la cote de crédit du Québec, contre le «positives» qu'elles se méritaient avant.

Au ministère des Finances, on maintient « our l'instant» le montant du déficit prévu au printemps, nous a-t-on écrit, car on veut éviter «une révision précipitée». La première mise à jour du ministre des Finances Raymond Bachand aura lieu le mois prochain.

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