Le gouvernement Charest allongera jusqu'à 75 millions - un prêt d'Investissement Québec - pour assurer la conclusion de la transaction de la vente du Canadien à la famille Molson.

Annoncé le 20 juin, le transfert du club et du Centre Bell de George Gillett à un groupe d'actionnaires où la famille Molson sera majoritaire n'est pas encore conclu, à deux semaines du début des camps d'entraînement et à un mois du début de la saison régulière.

Bien que Gillett souhaitait que la transaction soit réglée fin août, les discussions doivent se poursuivre entre les Molson et le gouvernement du Québec, a appris La Presse. Pas de panique toutefois, de part et d'autre de la table, on comprend que ces dates butoirs restent amovibles. En mai dernier, le groupe Gillett avait multiplié les échéances, autant d'ultimatums inutiles.

Pour le patron de la Banque de Montréal, Jacques Ménard, ces délais ne doivent pas semer le doute sur l'issue des discussions. «Pour moi il y a une entente, il n'y a pas de doutes, et cela devrait être annoncé dans le détail quelque part en septembre», explique celui qui avait été mandaté par George Gillett pour l'opération de vente du Canadien.

Pour Luc Beauregard, porte-parole des Molson, «il n'y a pas d'embûches majeures». Ces discussions juridiques à plusieurs partenaires sont parfois longues. Une annonce aura d'ailleurs lieu dès cette semaine, qui précisera le poids relatif des principaux actionnaires.

On sait déjà que l'on trouvera, avec les Molson, BCE, le Fonds de solidarité FTQ et la famille Thomson par l'entremise de sa société d'investissement Woodbridge Company, a confirmé M. Beauregard hier.

L'ensemble du portrait de famille sera dévoilé plus tard, a-t-il expliqué.

Volte-face

Confidentiellement, a appris La Presse, le Conseil des ministres à Québec a donné, au début de l'été, le mandat à Investissement Québec de négocier les conditions d'un prêt selon des conditions précises. C'était une volte-face par rapport à juin - le ministre Raymond Bachand, alors responsable du Développement économique, avait d'abord indiqué que Québec était disposé à prêter 100 millions de dollars aux acheteurs. Mais tout de suite après l'annonce de la transaction, le ministre avait indiqué que les acheteurs n'auraient pas besoin de cette intervention.

La volte-face de Québec s'explique. Durant l'été, le banquier habituel du Canadien depuis trois ans, la banque américaine CIT, a frôlé la faillite et s'est subitement retiré du financement de la vente. Originellement, la banque devait prêter les quelque 250 millions nécessaires aux acquéreurs sans qu'il y ait besoin d'intervenir pour le gouvernement Charest.

Avec une créance de second rang, le gouvernement devra demander un taux d'intérêt légèrement supérieur au marché - on parle de 7 à 9%. La Ligue nationale exige que tout acheteur de franchise ait au moins 50% de capital à investir - le reste peut se financer par emprunt. La transaction pour l'achat du Canadien, du Centre Bell, de la compagnie de spectacles et de l'aréna de Brossard - lieu des entraînements - tourne autour de 500 millions de dollars canadiens.

C'est la Banque Nationale qui va jouer le rôle de banquier principal, bien qu'elle compte partager cette créance avec d'autres institutions financières.

Propriété québécoise...

Une des conditions de Québec demeure intouchable. La propriété du club doit rester à majorité québécoise. Or, c'est là que le bât blesse. En dehors des deux ou trois principaux actionnaires - avec les Molson en tête -, on trouve une poignée d'investisseurs, une demi-douzaine, confie-t-on, dont le niveau de participation prévisible fluctue encore au fil des semaines. Certains se sont même désistés en cours de route et d'autres sont apparus. C'est ce qui fait que la transaction n'est pas encore confirmée.

Car Québec ne signera pas de chèque tant que tout le monde n'aura pas fait son lit, explique-t-on.

Parmi les actionnaires minoritaires, quelques surprises; Luc Bertrand, par exemple, qui serait prêt à injecter quelques millions dans le CH. Il joue un rôle de négociateur pour les Molson. Joint hier, l'ancien président de la Bourse de Montréal n'a pas nié, mais a souligné que c'était Luc Beauregard - l'ancien patron de National - qui était seul porte-parole pour cette transaction. D'autres personnalités connues dans les cercles d'affaires montréalais seront du nombre des «actionnaires» du club, indique-t-on.

Le changement de propriété risque aussi d'être la fin de la carrière de Pierre Boivin à titre de président du Canadien. Ce dernier n'a pas fait mystère de son départ à des proches. Il s'était rapproché d'un des acheteurs potentiels qui n'a pas été retenu. Au surplus, l'un des frères Molson, Geoffrey, a l'oeil sur la présidence du club, indiquent des sources proches de ces tractations.

Selon d'autres rumeurs, Québec tient aussi à ce que la qualité du club soit préservée. Une équipe professionnelle n'a guère d'autre valeur que son succès. Pour s'assurer qu'un nouveau propriétaire, avide de profit, ne se contente pas de recruter des joueurs de second plan, l'acquéreur pourrait devoir s'engager à consentir en rémunération au moins 75, voire 80% du plafond salarial chaque année, semble-t-il.