Le gouvernement Charest veut imposer des peines plus lourdes aux criminels à cravate comme Vincent Lacroix pour des infractions à la Loi québécoise sur les valeurs mobilières.

Une réforme du droit pénal permettrait d'additionner les peines imposées pour chaque infraction. Les fraudeurs passeraient ainsi plus de temps derrière les barreaux.

La semaine dernière, la Cour d'appel a réduit la peine de Vincent Lacroix de huit ans et demi de prison à cinq ans moins un jour. Les juges ont statué que les peines imposées à M. Lacroix à l'issue du procès intenté par l'Autorité des marchés financiers auraient dû être concurrentes plutôt que consécutives. Le Code de procédure pénale du Québec ne permet pas d'additionner les peines pour différentes infractions comme l'a fait le juge Claude Leblond l'an dernier, a noté le tribunal.

M. Leblond avait imposé une peine de 12 ans moins un jour. La Cour supérieure l'avait ramenée à huit ans avant que la Cour d'appel ne la réduise encore.

Lors d'un point de presse à l'entrée d'une réunion du caucus libéral, hier, le premier ministre Jean Charest a manifesté son intention de «revoir le concept des peines consécutives et concurrentes». «On est prêt à revoir ça parce qu'on veut que les peines soient proportionnelles» au tort causé aux investisseurs floués, a-t-il souligné.

M. Charest a toutefois rappelé que M. Lacroix doit avoir un autre procès, au criminel, concernant sa fraude de 115 millions de dollars. «L'affaire de M. Lacroix, ce n'est pas terminée. C'est au criminel que le gros de l'affaire va se régler.»

La ministre de la Justice, Kathleen Weil, s'est faite plus réservée que son patron, plaidant son devoir de réserve alors que l'AMF songe à contester la décision de la Cour d'appel. Elle a simplement évoqué une réforme éventuelle du droit pénal.

Elle entend en discuter avec Ottawa lors d'une rencontre fédérale-provinciale des ministres de la Justice en octobre. «Le droit pénal et le droit criminel (qui relève d'Ottawa) se chevauchent», a-t-elle noté.

La ministre se dit sensible à l'indignation soulevée par la réduction de la peine de Vincent Lacroix. «Je peux vous dire qu'on entend beaucoup le public. En tant que gouvernement et ministre de la Justice, on est toujours à l'écoute de ce que le public dit», a-t-elle souligné.

Plus loquace, son collègue de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, a indiqué qu'«on pourrait modifier la loi provinciale pour permettre les peines consécutives».

Dans le cas des crimes économiques, «il faut lancer un message clair aux gens qui seraient tentés d'agir (comme M. Lacroix ou Earl Jones) que la société n'accepte pas ça. Ça veut dire qu'il faut permettre que des enquêtes se fassent rapidement, avec efficacité. Ça veut dire aussi que les sanctions auxquelles on fait face si on est trouvé coupable de ce genre de crimes doivent être sévères.»

Elles ne sont pas assez sévères à l'heure actuelle? «Il y a sûrement moyen de regarder un certain nombre de solutions», a répondu M. Dupuis. Le ministre demande entre autres à Ottawa d'éliminer la possibilité d'être libéré au sixième de sa peine. Seul un criminel qui a eu recours à la «violence physique» n'est pas éligible à cette mesure. La loi devrait aussi empêcher à celui qui a usé de «violence morale», floué et «dépossédé» des investisseurs, de sortir de prison au sixième de sa peine, estime M. Dupuis. Ce sujet sera également abordé lors de la rencontre-fédérale provinciale des ministres de la Justice.

Pas de compensation

Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a réitéré que le gouvernement ne compensera pas les victimes de fraudeurs comme Earl Jones. «L'État n'a pas les moyens», a-t-il dit, rejetant du coup une suggestion du Parti québécois. Revenu Québec pourrait toutefois remettre aux victimes l'impôt qu'elles ont pu payer dans certains cas sur des revenus qui s'avèrent «fictifs et inexistants».

Québec écarte également la demande du PQ de tenir une commission parlementaire sur les crimes économiques en vue de revoir la réglementation actuelle. «Les commissions parlementaires, ce sont des endroits où on va une fois que les décisions sont prises. (...) Une commission parlementaire, c'est pour parlementer. On n'est pas dans le parlementarisme, on est dans l'action», a affirmé le ministre Jacques Dupuis, qui est aussi leader parlementaire. Jean Charest a indiqué qu'une commission parlementaire avait déjà eu lieu sur «la protection des épargnants» en 2007.