Mary Jane Taylor est de retour sur le marché du travail bien malgré elle. Cette Ontarienne de 62 ans espérait couler une retraite paisible en compagnie de son époux. Jusqu'à ce qu'elle apprenne que les 400 000$ qu'elle avait confiés au financier déchu Earl Jones se sont probablement volatilisés.

«C'est tout un changement de vie, a confié la résidante d'Ingleside, près de Cornwall. Il faut que je retourne travailler. Je vivais sur les intérêts de mon capital, et j'avais une petite pension chaque mois. Maintenant, je n'ai plus rien.» Comme elle, des dizaines d'investisseurs floués ont afflué dans un hôtel de Pointe-Claire, hier matin, afin de prendre connaissance des services publics qui sont à leur disposition. Car une fois le choc initial de la nouvelle passé, plusieurs victimes du présumé escroc ont gravement besoin d'un coup de main.

«Nous sommes au courant qu'il y a au moins six familles qui sont vraiment sans argent du tout», a expliqué Me Neil Stein, l'avocat du séquestre RSM Richter, l'entreprise chargée de liquider les actifs d'Earl Jones.

Ces personnes ont d'ailleurs contacté l'organisme Jeunesse au Soleil afin d'obtenir de l'aide. Mais d'autres types de problèmes risquent fort de se manifester dans les prochaines semaines.

«Une fois que le stress, une fois que des informations créent une certaine accalmie au niveau de notre situation financière, là on commence à ressentir plus de stress, plus de difficultés de sommeil, plus de difficultés d'alimentation», explique Claude Girouard, chef de projet au Centre de santé et des services sociaux de l'Ouest-de-l'Île.

M. Girouard a participé à l'assemblée d'hier matin afin d'expliquer aux investisseurs floués les services qui sont à leur disposition. Car plusieurs commencent déjà à ressentir les contrecoups de cette crise.

Au cours des derniers jours, Margaret Davis a appris que les 120 000 dollars qu'elle a confiés à Earl Jones ont été prêtés à d'autres clients du financier. Et ceux-ci n'auraient jamais été informés de ces prêts. L'une des signatures au contrat aurait même été forgée.

«Tout ce que je possédais est parti», a soupiré Mme Davis.

Mais à ses soucis financiers s'ajoutent ceux de sa santé. Depuis qu'elle a été mise au courant de l'affaire, elle souffre d'attaques de panique, a-t-elle confié. Elle a consulté son médecin, et elle doit maintenant prendre des médicaments pour retrouver le calme.

Le cas de Mme Davis pourrait bien n'être que la pointe de l'iceberg, a convenu Ann Davidson, du Centre de ressources communautaires de l'Ouest-de-l'Île. Son organisme a fait circuler un sondage pendant la réunion d'hier, afin d'en savoir davantage sur l'état de santé des victimes d'Earl Jones.

«L'adrénaline va baisser à un moment donné et des problèmes personnels vont se manifester», a-t-elle prédit.

Mais pour l'heure, elle ignore quelles difficultés attendront les victimes dans les prochaines semaines. «Auront-ils besoin d'une aide alimentaire? Auront-ils besoin d'aide pour payer leur hypothèque? Peuvent-ils se permettre d'acheter leurs médicaments?»

La Sûreté du Québec a confirmé hier qu'elle mène l'enquête sur la présumée fraude, dont le montant sera confirmé le mois prochain, mais que l'Autorité des marchés financiers estime entre 30 à 50 millions.

Une aide de Québec?

Par ailleurs, deux membres du gouvernement Charest ont assisté à l'assemblée des investisseurs, hier. Mais le député Geoff Kelley et la ministre Yollande James estiment qu'il est trop tôt pour savoir si Québec donnera un coup de pouce financier aux clients d'Earl Jones.

«Il est trop tôt pour répondre à cette question, a indiqué M. Kelley. Nous devons d'abord savoir ce qui s'est passé.»