Michel Vézina a travaillé au garage, hier. La journée a été pénible pour ce débosseleur de 70 ans qui a dû retourner sur le marché du travail après avoir été fraudé par l'ex-PDG de Norbourg, Vincent Lacroix.

«Ça n'a pas de bon sens, a soufflé M. Vézina, qui a perdu 310 000$ avec sa femme dans les fonds Évolution. Nous sommes complètement atterrés. Il a mis tant de monde dans la misère et il s'en sort comme ça? C'est impensable.»

La libération conditionnelle de Vincent Lacroix a suscité la colère des investisseurs floués par l'homme d'affaires. Les victimes jointes hier par La Presse ont toutes affirmé avoir perdu confiance dans le système judiciaire québécois qui, selon elles, est beaucoup trop clément envers les fraudeurs financiers. «Bernard Madoff, aux États-Unis, a écopé de 150 ans de prison. Lacroix ne méritait pas 150 ans, mais au moins 15 ou 20 ans fermes», a poursuivi M. Vézina, la gorge serrée par l'émotion.

Wilhelm B. Pellemans, chirurgien de Laval, a déploré la lenteur avec laquelle les fraudeurs sont traduits en justice au Québec. Il s'est écoulé deux ans entre le début du procès et la libération de Vincent Lacroix.

Or, les 9200 investisseurs floués par l'homme d'affaires attendent depuis août 2005 qu'on fixe une date pour l'audition de leur recours collectif. «Les bandits ont des privilèges que les victimes n'ont pas», a conclu Wilhelm B. Pellemans, le requérant principal du recours.

M. Pellemans, qui a perdu une somme «dans les sept chiffres» dans le scandale de Norbourg, s'en est également pris au raisonnement du juge Richard Wagner. Il trouve «bizarre» que le magistrat ait invoqué la présomption d'innocence pour justifier la libération conditionnelle.

«M. Wagner devrait se souvenir que l'un des ses collègues a déclaré Vincent Lacroix coupable d'une grande partie des crimes qui lui sont reprochés», a lancé M. Pellemans, avec une pointe d'ironie.

Réal Ouimet, autre investisseur floué, ne mâchait pas ses mots pour décrire son appréciation du système de justice. «Maudites lois de fou! a-t-il laissé tomber. Il n'y a pas de règlements, rien!»

M. Ouimet, âgé de 66 ans, a perdu 310 000$ dans l'affaire Norbourg. Pour survivre, l'ancien directeur du Service de police de Bromont travaille aujourd'hui à titre de directeur de la sécurité à la station de ski Bromont.

Réal Ouimet craint que les victimes comme lui se multiplient. «Avec la sentence bonbon qu'a reçue Lacroix, on peut s'attendre à ce que d'autres fraudeurs soient intéressés à faire comme lui!» a-t-il conclu.

 

Chronologie d'un scandale

25 août 2005

La GRC et l'Autorité des marchés financiers (AMF) mènent une série de perquisitions dans les bureaux de Norbourg. Deux mois plus tard, Vincent Lacroix met l'entreprise en faillite.

9 mars 2006

L'AMF lance une série de poursuites contre Norbourg et son PDG. Celui-ci est visé par 51 chefs d'accusation pour manipulation de titres et falsification de documents.

11 décembre 2007

Sept mois après le début de son procès, Vincent Lacroix est déclaré coupable des 51 chefs d'accusation. Il est condamné le mois suivant à 12 ans moins un jour de prison et à une amende de 255 000$. Sa sentence sera réduite à huit ans et demi.

18 juin 2008

La GRC porte 922 chefs d'accusation criminelle contre Vincent Lacroix et cinq de ses présumés complices impliqués dans l'affaire Norbourg.

8 juillet 2009

Le juge Richard Wagner, de la Cour supérieure, accepte la requête de mise en liberté de Vincent Lacroix.

14 septembre 2009

Date fixée pour le début du procès criminel de Vincent Lacroix et de ses coaccusés.