En s'adressant à la Cour d'appel, le gouvernement du Québec ouvre un front juridique dans son opposition au projet fédéral d'une commission de valeurs mobilières (CVM) unique.

«Depuis l'annonce du projet fédéral, le 22 juin, le Québec n'a plus d'autres choix que de prendre la voie juridique pour contester ce projet et affirmer sa compétence», a indiqué le ministre des Finances, Raymond Bachand, en conférence de presse hier à Montréal.«Aussi, la réglementation des valeurs mobilières et sa proximité des entreprises québécoises sont importantes pour le développement économique. Il y a des emplois de pointe en valeurs mobilières à Montréal et ce n'est pas vrai qu'on les laissera filer vers Toronto.»

Et en cas d'échec en Cour d'appel du Québec, «nous irons ensuite en Cour suprême», a soutenu le ministre Bachand, après avoir admis que ce processus pourrait durer plusieurs mois.

Mais déjà, hier, le défi juridique de Québec trouvait un écho favorable dans la capitale de l'Alberta, la seule autre province encore opposée aux ambitions fédérales.

«Nous évaluons aussi la pertinence d'un recours en justice pour affirmer notre compétence. Entre-temps, nous demeurons tout aussi opposés que le Québec au projet fédéral de CVM unique», a indiqué Bart Johnson, porte-parole de la ministre albertaine des Finances, Iris Evans.

«Comme le Québec, nous estimons que ce projet fédéral est non seulement une menace à notre juridiction, mais aussi un risque pour une gestion adéquate de notre économie. En particulier tout notre important secteur des PME du pétrole et du gaz», a indiqué M. Johnson, en entretien d'Edmonton.

«Si nous laissons passer ce projet fédéral, ça risque d'être un précédent qui servirait ensuite de prétexte à Ottawa de défier la juridiction provinciale dans d'autres secteurs financiers, comme les régimes de retraite ou les caisses populaires.»

Pourtant, s'ils parviennent à s'allier en justice, les gouvernements du Québec et de l'Alberta risquent encore d'être bousculés par les ambitions fédérales.

Déjà, les deux autres provinces qui étaient réticentes à une CVM unique, la Colombie-Britannique et le Manitoba, ont abdiqué en faveur du projet dit de «transition» annoncé à la fin de juin par le ministre fédéral des Finances.

De plus, le ministre Flaherty a confié la direction de ce projet à nul autre que le président de la CVM de Colombie-Britannique, Doug Hyndman, qui fut naguère un vif critique des ambitions fédérales.

En fin de journée hier, en réaction au défi juridique lancé par Québec, on réaffirmait au cabinet du ministre Flaherty que le fédéral détient «les pouvoirs nécessaires» pour implanter une CVM unique.

«Le gouvernement du Canada a obtenu de nombreux avis constitutionnels sur lesquels s'appuyer», a soutenu l'attaché de presse du ministre, Chisholm Pothier, par courriel.

Entre-temps, a-t-il précisé, le projet de CVM unique est «une initiative à participation volontaire. Aucune province ne sera forcée de s'y joindre. Toute province pourra conserver son mode de fonctionnement actuel si telle est sa volonté».

Pas de temps à perdre

Mais pour le ministre québécois des Affaires intergouvernementales canadiennes, Claude Béchard, il importe pour Québec de recourir sans tarder à la justice pour bloquer «un projet fédéral qui tente de faire indirectement ce que la constitution ne lui permet pas de faire directement».

«Nous avons déjà un système (entre les CVM provinciales) qui fonctionne bien tout en respectant les compétences et les particularités de chaque province. Nous voulons continuer avec ce système au lieu de sauter par-dessus comme veut le faire le fédéral», a indiqué le ministre Béchard, en conférence de presse hier.

Quant aux arguments en faveur d'une CVM unique, notamment les gains de capacité et d'efficacité espérés par de nombreux intervenants boursiers, le ministre des Finances, Raymond Bachand, les a encore écartés du revers de la main.

«L'intérêt national ne rime pas avec la centralisation en matière de réglementation financière. Aux États-Unis, par exemple, l'affaire Madoff a duré une quinzaine d'années malgré l'existence de grands organismes centralisés», a souligné M. Bachand.

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