Russie. Soudan. Ukraine. Mali. Indonésie. Tanzanie. Laos. Nouvelle-Zélande. Brésil. Éthiopie. Argentine. Les firmes d'investissement agricole sèment des millions de dollars sur les terres agricoles partout sur la planète. Au Québec, la récolte est mince, pour ne pas dire inexistante.

La plus grande firme d'investissement agricole au pays, AgCapita, n'entend pas investir à court terme dans les terres agricoles du Québec. «Ce n'est pas dans nos plans», dit Stephen Johnston, l'un des trois associés de cette firme de Calgary qui compte Jim Rogers, le célèbre gourou des matières premières, au sein de son conseil d'administration.

Depuis sa création en 2007, AgCapita a pourtant investi 18 millions de dollars dans l'achat de terres agricoles au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan. Le concept est simple: la firme se finance auprès d'investisseurs (ceux-ci ont droit à une contribution REER), achète des terres et les loue ensuite aux fermiers. «L'industrie agricole est très intéressante pour les investisseurs, dit Stephen Johnston. Elle n'est pas affectée par la récession, la demande augmente de façon régulière de 2% à 3% et l'offre est stable. C'est un secteur très peu volatil dont les rendements dépendent peu des marchés boursiers. Quand on disait ça aux gens il y a deux ans avant la chute de la Bourse, ils ne nous écoutaient pas. Maintenant, ils écoutent.»

AgCapita prévoit effectuer une autre campagne d'investissement de 15 à 20 millions cette année dans l'Ouest canadien. La firme mise surtout sur les terres agricoles de la Saskatchewan, où le prix est six fois moins élevé qu'au Québec selon Statistique Canada. «Ce sont les terres agricoles les moins chères de tous les pays développés, dit Stephen Johnston. En plus, les terres de la Saskatchewan sont plus propices à la production de céréales et de grains, un marché mondial prévisible. Les terres du Québec, elles, sont plus propices à la production de fruits et légumes, un marché moins intéressant à notre avis.»

Un autre obstacle, législatif celui-là, nuit à l'industrie agricole de la Belle Province: une loi québécoise restreint l'achat des terres de plus de 4 hectares par des non-résidents. La Commission de la protection du territoire agricole du Québec a le dernier mot sur une transaction et peut autoriser la vente à des intérêts étrangers, mais le processus effraie bien des investisseurs. De sorte «qu'il n'y a pas de présence des fonds d'investissement qui achètent pour spéculer», confirme Normand Johnston, vice-président au financement de La Financière agricole du Québec.

Selon Stephen Johnston, la Saskatchewan avait une loi similaire au Québec avant de l'abolir en 2003. «Ce fut une décision essentiellement démographique: les fermiers de la Saskatchewan sont les plus vieux au Canada, ils veulent prendre leur retraite et ils voient que les mêmes terrains en Alberta valent trois fois plus cher que les leurs!» dit l'associé de la firme AgCapita.

Le Québec ne serait toutefois pas délaissé complètement par le milieu de la haute finance agricole. Selon Stephen Johnston, la firme américaine John Hancock a confié récemment lors d'une conférence avoir acheté des terres pour cultiver des canneberges au Québec.