Pour l'imprimeur Quebecor World, en protection de faillite depuis un an et demi, c'est aujourd'hui que ça passe ou ça casse avec ses créanciers.

Au Canada et aux États-Unis, les créanciers de l'imprimeur insolvable se prononcent sur le plan de restructuration de bilan qui leur a été présenté il y a un mois.

L'enjeu: accepter ou non un règlement partiel sur près de 3 milliards de dollars de passif, proposé en comptant mais surtout en nouvelles actions à émettre par l'imprimeur.

Mais en cas de rejet par les créanciers, selon le syndic Ernst&Young, Quebecor World aurait alors peu de chance d'éviter la faillite et la liquidation de ses actifs.

Un tel scénario serait évidemment dramatique pour les 20 000 employés de l'imprimeur dans ses 90 lieux d'affaires au Canada, aux États-Unis et en Amérique latine.

Surtout au terme de deux années de stress considérable provoqué par des rationalisations d'actifs et de licenciements par centaines.

Parmi les créanciers de Quebecor World, en cas de liquidation, seuls ceux détenant des créances garanties auraient une chance de récupérer leur dû, selon le syndic.

Les autres, en particulier les créanciers non garantis, qui réclament quelque 1,6 milliard, pourraient tout perdre.

Mais pour le moment, de l'avis général d'intervenants dans ce dossier, un vote négatif des créanciers apparaît improbable.

Et même en cas de liquidation, le principal concurrent de Quebecor World, l'américain R.R. Donnelley, pourrait rappliquer.

Il ferait ainsi suite à sa récente offre avortée de 1,55 milliard US pour tout Quebecor World, annoncée un mois avant le vote de ses créanciers.

Entre-temps, le plan qui leur est proposé depuis la mi-mai résulte d'un an de discussions entre l'imprimeur et ses principaux créanciers, en Cour mais aussi en coulisse.

Par conséquent, le vote positif de ces principaux créanciers est pratiquement acquis d'avance.

Et comme la comptabilisation du vote des créanciers s'effectue en fonction de la taille de leur dû dans chaque catégorie de passif, garanti ou non, de petits créanciers mécontents devraient se manifester en grand nombre pour compromettre l'issue du vote.

Le minimum requis pour un résultat positif demeure à la moitié des voix exprimées et les deux tiers de la valeur des créances, dans chaque catégorie.

Cela dit, même avec le feu vert de ses créanciers, la restructuration de bilan de Quebecor World et son redressement d'affaires s'effectueront dans un contexte encore très difficile.

D'abord, l'imprimeur devra vite implanter sa nouvelle dénomination commerciale, Novink. Ce changement obligé découle du délestage complet par son ex-actionnaire principal, le groupe Quebecor inc., qui avait été signifié dès le début de la protection de faillite, en janvier 2008.

Par ailleurs, les plus récents résultats financiers de Quebecor World, publiés il y a un mois, étaient fort peu encourageants.

Ses revenus étaient encore en baisse accentuée de 25% au premier trimestre. Et la perte nette trimestrielle, même réduite d'un tiers par rapport au premier trimestre de 2008, demeurait considérable à 125 millions US.

Une telle perte en trois mois seulement suscite un doute envers l'objectif des dirigeants de Quebecor World d'une perte réduite à 180 millions pour tout l'exercice 2009.

Ils misent aussi sur un retour à la rentabilité, mince toutefois, lors de l'exercice 2011.

«Le plan ébauché par Quebecor World m'apparaît très ambitieux, alors que la récession fait mal à tous les imprimeurs», a commenté Charles Strauzer, analyste en imprimeries et médias chez CJS Securities, en banlieue de New York.

L'année dernière, presque toute passée en protection de faillite, Quebecor World avait subi une perte de 1,6 milliard alors que ses revenus reculaient de 14%, à 4 milliards.

N'empêche, s'ils votent pour le plan de restructuration de bilan, les nombreux créanciers ordinaires de l'imprimeur auront ensuite tout intérêt à la réussite de son redressement.

Car le règlement de leurs créances, même partiel, s'effectuera par l'obtention de millions de titres du capital-actions remanié de l'imprimeur: quelque 16 millions d'actions et 9 millions de bons de souscription nouvellement émis.

Avec La Presse Canadienne