Le chef de la direction d'une grande entreprise devrait laisser ses actionnaires approuver ou rejeter, lors d'un vote consultatif, sa politique de rémunération telle qu'établie par un comité indépendant: voilà la vision du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC). L'organisme fondé par Yves Michaud a publié hier un document qui étaye cette vision et qui précise ses attentes auprès des entreprises.

Le MEDAC souhaite, en gros, la mise en place de systèmes de rémunération transparents, la formation de comités de rémunération tout à fait indépendants et un assainissement de la participation des actionnaires.

Le président du conseil de l'organisme, Claude Béland, admet qu'il en demande beaucoup aux grands patrons, mais il demeure optimiste. «Je sais personnellement que les institutions y travaillent actuellement, a-t-il assuré en conférence de presse. On aura des rencontres avec elles. La volonté me semble être d'arriver à quelque chose de pas trop mou ou trop insultant pour leurs actionnaires.»

Une transparence digne de ce nom implique pour le MEDAC la divulgation des principes et mécanismes de la politique de rémunération, en plus du montant global et de ses principales composantes - notamment le salaire de base fixe, les primes, les contributions à des régimes de retraite et les indemnités de départ. Il recommande aussi qu'on justifie tous les montants.

«Nous souhaitons connaître l'écart qui existe entre la rémunération du plus haut dirigeant et celle du salarié moyen», a ajouté Louise Champoux-Paillé, secrétaire du conseil du MEDAC. Elle a souligné que cet écart atteint souvent un niveau qui peut paraître indécent. «Ce ratio est aujourd'hui (aux États-Unis) de 300 fois, 400 fois!»

«La cupidité étant forte dans la nature humaine, on se retrouve avec des situations qui sont inacceptables, a constaté M. Béland. Notre démarche consiste à revenir à des normes plus raisonnables, plus justes.»

«On veut contenir ou rendre raisonnable la rémunération globale, on veut réduire la portion variable pour éviter la prise de risques trop importants, et on veut réduire l'écart entre le salaire moyen et celui de la haute direction», a précisé Jean Legault, trésorier du conseil.

Claude Béland a souligné que des rémunérations excessives basées en trop grande partie sur un système de primes peuvent constituer des coûts importants et même mettre en danger la pérennité des entreprises, car elles peuvent inciter les dirigeants à prendre des décisions hautement risquées et miner la confiance des investisseurs en accaparant une trop grande part des bénéfices.

«On se dit: «coudonc, l'entreprise existe-t-elle pour les hauts gestionnaires ou pour les actionnaires?» a lancé l'ancien président du Mouvement des caisses Desjardins. Ça fait aussi naître une perception d'injustice chez les employés et chez les collaborateurs.»

Le MEDAC estime non seulement que les membres des comités de rémunération devraient être indépendants de l'entreprise, mais également que le chef de la direction ne devrait, en aucune façon, ni être impliqué dans leur sélection ni participer ou assister à leurs travaux. Et pas plus du tiers du comité ne devrait être composé de chefs de la direction d'entreprises de taille similaire. Des conseillers externes devraient également être consultés.

Et une saine participation des actionnaires passe par la mise sur pied d'un processus de consultation leur permettant d'obtenir d'organismes indépendants leur appréciation du système de rémunération proposé bien avant le vote, d'après l'organisme.

Toutes les banques canadiennes ainsi que les sociétés BCE, Manuvie, Industrielle-Alliance, Sunlife et le Groupe TSX ont déjà accepté de tenir auprès de leurs actionnaires des votes consultatifs sur la rémunération de leurs gestionnaires à partir des assemblées générales de 2010.

RÉGULATION DU SYSTÈME FINANCIER

Pas assez loin, selon des experts

AFP

Washington - La réforme de la régulation financière proposée hier par le président Barack Obama a été accueillie avec scepticisme par plusieurs économistes pour qui elle ne va pas assez loin.

La nécessité de cette réforme, qui vise à combler des lacunes béantes ayant permis à la finance américaine de prendre des risques démesurés, faisait pourtant l'unanimité.

«Dans l'ensemble, cela suit les principes généraux de ce que la plupart d'entre nous voulions voir, mais il y a eu certains aspects qui représentent des occasions manquées», considère Douglas Elliott, économiste à la Brookings Institution.

Il s'est dit déçu de voir que l'architecture globale resterait quasi inchangée, avec la seule disparition du bureau de supervision des caisses d'épargne. Cinq sur six institutions resteront en place.

«Avoir autant d'instances de régulation laisse toujours possible le système de choix» entre les régulateurs, qui «permet aux sociétés de trouver le maillon faible», souligne-t-il, faisant référence au fait que par le passé plusieurs sociétés ont pu changer de statut pour échapper à la vigilance de tel ou tel régulateur, comme la banque Washington Mutual, qui a fait faillite en septembre 2008.

«Aujourd'hui nous sommes au moment précis où il faut mettre un terme définitif aux chamailles juridiques et aux guerres de clocher qui ont alimenté une structure archaïque incapable d'empêcher la crise ou de la gérer», approuve Hal Schott, professeur de finance à Harvard et directeur du Comité sur la régulation des marchés financiers, groupe indépendant créé en 2006.

L'un des aspects les plus critiqués a été le rôle étendu qui devrait être accordé à la banque centrale, la Réserve fédérale, pour superviser les institutions financières dont la faillite menacerait la stabilité du système, même si ces sociétés n'ont rien à voir avec la banque, le champ traditionnel d'intervention de la Fed.

Fusionner des instances de régulation «est assurément sensé», opine Diana Furchtgott-Roth, du Hudson Institute, s'insurgeant en revanche contre une disposition de la réforme destinée à donner au gouvernement le pouvoir de placer sous tutelle les plus grosses sociétés qui menaceraient de s'écrouler.

«L'idée que l'État prenne le contrôle de groupes qui ont des problèmes parce qu'il décide qu'ils sont «trop gros pour faire faillite» est une invitation au clientélisme politique», s'inquiète-t-elle.

Des critiques sont aussi venues du secteur financier, soucieux de ne pas perdre sa liberté d'action.

Le projet «va encore alourdir la finance américaine d'une régulation inutile qui va générer des coûts et abaisser la qualité des services financiers, en fournissant des avantages compétitifs aux sociétés les plus grosses et les moins innovantes», a accusé le président du fonds Euro Pacific Capital, Peter Schiff.