La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) a dû se défendre de mettre ses principes de côté afin de participer, par l'intermédiaire de sa filiale financière, à l'achat du club de hockey Canadien grâce à un partenariat avec une entreprise au bilan critiqué en matière de relations de travail.

Le président de la FTQ, Michel Arsenault, a déclaré jeudi que le rendement était l'objectif principal de la participation du Fonds de solidarité FTQ à un consortium dont les deux autres partenaires sont Productions Feeling, une société de gestion de René Angelil, le gérant et mari de la chanteuse Céline Dion, et Quebecor Media, une entreprise qui a décrété de nombreux lock-out ces dernières années.

«On pense que le club de hockey Canadien avec l'association avec René Angelil et Quebecor, ça pourrait être rentable, que ce serait un investissement rentable au Fonds de solidarité, a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique. Et c'est la principale raison pourquoi on a accepté de faire partie de cette équipe.»

M. Arsenault a reconnu que cette association peut susciter un malaise chez certains de ses membres, notamment au Journal de Québec, où des litiges découlant d'un lock-out qui a duré plus d'un an ne sont pas encore réglés.

Mais il a soutenu qu'il mise sur ce rapprochement avec le président et chef de la direction de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, pour favoriser une amélioration du bilan de l'entreprise.

«Il y a deux façons de faire des relations de travail: il y a le face-à-face ou le coude-à-coude, a-t-il dit. Et il va de soi que si cette offre se concrétise et si on devient des partenaires dans le club de hockey Canadien, ça va nous permettre de rencontrer M. Péladeau plus souvent, de se connaître mieux et ça va certainement améliorer nos relations de travail.»

M. Arsenault a affirmé que les relations de travail ont été difficiles avec l'entreprise, au cours des dernières années, mais il a estimé que des progrès ont récemment été enregistrés, notamment lors d'un récent renouvellement de convention collective pour sa filiale Vidéotron.

Le Fonds de solidarité n'a pas encore complété le bilan social de Quebecor Media, qui fait partie des étapes préalables à un investissement, mais M. Arsenault a quand même laissé entendre qu'il est peu probable que cet examen se conclue sur une note négative.

«S'il y avait un bilan social qui démontre que Quebecor fait travailler des enfants, qu'il y a des cachots dans les usines, c'est sûr qu'on sortirait de là», a-t-il dit.

Mercredi, Quebecor Media, une filiale de Quebecor, a annoncé qu'elle a déposé une offre pour le Canadien de Montréal grâce au soutien du Fonds de solidarité et de Productions Feeling.

Le président du syndicat de la rédaction du Journal de Québec, Denis Bolduc, a exprimé son malaise, jeudi, face à la composition du consortium.

«Je suis mal à l'aise avec ça, a-t-il dit. Mes membres sont mal à l'aise avec ça. J'aimerais que la FTQ révise sa position et que le Fonds se retire.»

M. Bolduc a affirmé que son syndicat continue d'affronter Quebecor Media, l'entreprise contestant en Cour supérieure une décision d'une autre instance ayant conclu que qu'elle a eu recours à des briseurs de grève.

La présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Claudette Carbonneau, n'a pas voulu commenter le partenariat du Fonds de solidarité mais elle a eu des mots très durs pour Quebecor Media, lui attribuant l'un des pires bilans dans le secteur des relations de travail.

«Au plan de la responsabilité sociale de l'entreprise, il ne faudrait pas que je fasse un palmarès au Québec parce qu'ils seraient vraiment en bas de la liste, a-t-elle dit. Ils ont un comportement absolument terrible, notamment à l'égard des syndicats. Ils se comportent souvent comme des briseurs de syndicats.»

La CSN représente les employés du Journal de Montréal et du Réveil, deux journaux mis en lock-out par Quebecor Media.

Le porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail, François Rebello, a quant à lui estimé que le Fonds de solidarité a la légitimité pour s'engager aux côtés de l'entreprise, dans la mesure où la filiale financière du syndicat signale son inconfort face à certaines pratiques, comme le recours à des briseurs de grève lors d'un conflit.

«Le Fonds de solidarité peut financer des projets de Quebecor même s'il y a un conflit mais il faut qu'ils signifient leur inconfort en leur disant: "écoutez, il faudrait que vous respectiez la loi anti-scab"», a-t-il dit.