Une faillite dans deux pays différents. Un conseil d'administration remanié. Un actionnaire majoritaire qui a déserté le navire - et qui le poursuit maintenant devant les tribunaux. Comme si le feuilleton de Quebecor World (t.iqw) n'était pas déjà assez compliqué comme ça, voilà que son principal concurrent le surprend en déposant une offre d'achat.

L'imprimeur américain RR Donnelley [[|ticker sym='rrd'|]] a soumis une offre non sollicitée afin d'acquérir l'imprimeur québécois Quebecor World. L'offre de 1,35 milliard de dollars - 957 millions en argent sonnant et 390 millions en actions de RR Donnelley - a été rendue publique tard mardi soir. Elle est actuellement étudiée par le conseil d'administration de Quebecor World, qui est présidé par Brian Mulroney. Hier, l'ancien premier ministre du Canada témoignait à la Chambre des communes à Ottawa dans le cadre de la commission Oliphant sur ses relations d'affaires avec Karlheinz Schreiber.

D'un point de vue strictement financier, l'offre de RR Donnelley est intéressante pour Quebecor World, qui estime la valeur de ses actifs entre 800 millions et 1,4 milliard. Hier, le PDG de Quebecor World, Jacques Mallette, n'a toutefois pas voulu commenter l'offre non-sollicitée de son concurrent.

Le PDG de RR Donnelley, lui, ne s'est pas gêné pour vanter les mérites de sa proposition. «Quebecor World et RR Donnelley ont toujours eu des stratégies complémentaires, a déclaré Thomas Quinlan, PDG de l'imprimeur américain, par le biais d'un communiqué de presse. Notre proposition permettrait aux deux entreprises de joindre leurs forces de façon à en faire bénéficier les actionnaires des deux entreprises, incluant les créditeurs et les débiteurs de Quebecor World. Notre offre augmente de façon significative la capacité (de la future société) de mieux servir ses clients et de continuer notre expansion dans le marché canadien.»

Quebecor World était le deuxième imprimeur en Amérique du Nord avant que ses dettes évaluées à 2,9 milliards le forcent à déclarer faillite en janvier 2008. La société québécoise prévoit se libérer de l'emprise de ses créanciers en juillet prochain avec des dettes de moins de 750 millions.

Après avoir perdu 1,66 milliard en 2008, Quebecor World prévoit perdre 186 millions cette année et renouer avec la rentabilité en 2010. Selon les derniers documents déposés en cour, l'imprimeur québécois envisage des profits de 7 millions en 2010, 57 millions en 2011 et 74 millions en 2012.

Malgré l'offre inattendue de RR Donnelley, Quebecor World continuera son processus de restructuration devant les tribunaux comme si de rien n'était. Aujourd'hui, l'entreprise demandera à la Cour supérieure d'autoriser le vote des créanciers sur son plan de restructuration. Demain, elle fera la même demande devant les tribunaux de faillite américains. Les créanciers bancaires se sont fait offrir environ 85% de leur créance, alors que les fournisseurs ont obtenu environ 50% de la valeur de leur créance.

Offre plus sérieuse

Ce n'est pas la première fois que R.R. Donnelley tente de mettre la main sur son principal concurrent. En avril 2008, la société de Chicago avait manifesté son intérêt pour une partie des actifs de Quebecor World.

L'offre de RR Donnelley est encore plus sérieuse cette fois-ci. Comme la transaction n'a pas besoin d'être approuvée par les actionnaires de l'imprimeur américain, elle pourrait être officialisée rapidement après son acceptation par le conseil d'administration de Quebecor World.

Selon un analyste new-yorkais, la transaction signifierait une réduction de la capacité de production des deux imprimeurs d'au moins 10%. RR Donnelley pourrait épargner entre 150 et 300 millions de dollars annuellement en synergies.

L'analyste Graig Huber, de Barclays Capital, se prononce en faveur de la transaction. «Ce serait une bonne chose pour l'industrie de l'imprimerie. Depuis 10 ans, Quebecor est le seul concurrent de RR Donnelley qui lui fait une lutte sur les prix (...) Comme Quebecor World tente de sortir de la faillite et que plusieurs dirigeants ont quitté, Quebecor World ne semble pas être une société très bien gérée actuellement», écrit-il dans son rapport publié hier.

Le titre de RR Donnelley a perdu 9,1% (1,18$) hier à la Bourse de New York. En baisse de 13% depuis le début de l'année, le titre de la société de Chicago valait 11,81$ hier à la fermeture. Le titre Quebecor World a cessé d'être échangé à la Bourse de Toronto le 17 avril dernier, alors qu'il valait seulement 2 cents. Si la tentative d'achat de RR Donnelley échoue, Quebecor World a l'intention de retourner à la Bourse à la fin de l'été, une fois son processus de restructuration terminé.

 

L'OFFRE EN CHIFFRES


> VALEUR TOTALE DE L'OFFRE: 1,35 MILLIARD US

> 957 MILLIONS US EN ARGENT

> 30 MILLIONS D'ACTIONS DE RR DONNELLEY&SONS, ÉVALUÉES À 390 MILLIONS

LA DÉGRINGOLADE DE QUEBECOR WORLD

1999

L'acquisition au coût de 1,4 milliard US de World Color Press ne rapporte pas les synergies escomptées.

Automne 2001

Quebecor World élimine 2400 emplois dans la foulée des attentats du 11 septembre.

Février 2003

Deuxième ronde de compressions: plus de 900 emplois sont éliminés.

Mai 2003

Le président et chef de la direction Michel Desbiens démissionne.

Été 2003

Standard&Poor's réduit la cote de crédit de la société, dont les titres se retrouvent au niveau de «junk bonds».

Novembre 2006

Quebecor World suspend le dividende.

Janvier 2008

> Quebecor inc. et Brookfield Asset Management offre à Quebecor World une aide de 400 millions qui vise à refinancer l'imprimeur.

> Incapable d'obtenir l'appui de ses banquiers, la société demande la protection des tribunaux.

> Quebecor inc. radie de ses livres son investissement dans Quebecor World.

13 mai 2009

Le concurrent américain RR Donnelley offre de racheter la compagnie pour 1,4 milliard US.