L'Orchestre symphonique des jeunes de Montréal doit bientôt partir pour l'Allemagne, où la soixantaine de musiciens de 13 à 25 ans feront entendre leurs notes au public de Berlin et d'autres villes. Mais cette tournée pourrait rester un projet, parce que les commanditaires se laissent désirer cette année. Et pas d'argent, pas de tournée.

Avec la crise économique, des entreprises doivent revoir leur investissement en commandite, au grand malheur des organisations ou événements qui comptent là-dessus. Le cas le plus flagrant est celui de General Motors, qui ne renouvellera pas son appui majeur au Festival de jazz de Montréal.

 

À une autre échelle, les organisateurs des derniers Jeux du commerce, tenus à Montréal en janvier, ont vu leur budget diminuer sans cesse alors que certains commanditaires ont réduit leur appui financier de moitié.

Le Festival des films du monde n'y échappe pas. «Des commanditaires fidèles réduisent leur participation, en espérant pouvoir faire mieux l'année prochaine, dit Daniel Bouchard, coordonnateur au marketing et partenariats. C'est un dur coup, mais le Festival a passé à travers différents coups durs au fil des années.»

«Les entreprises regardent leur bilan, chaque dollar de leurs dépenses, et ça inclut les programmes de commandite», indique Randy Scotland, vice-président aux communications de l'Association canadienne des annonceurs, qui chapeaute le Conseil canadien de la commandite. «Il est peut-être plus exigeant cette année d'aller sur le marché de la commandite.»

«C'est plus dur pour ceux qui n'ont pas de ressources pour les demandes de commandite, soutient Pascale Chassé, vice-présidente et directrice générale de Fusion, une division de Cossette Communication spécialisée dans la commandite. Dans la situation économique que l'on vit, il faut être mieux organisé, plus structuré et que la proposition soit mieux attachée.»

«Les entreprises sont plus prudentes, elles veulent s'assurer que leurs commandites rapportent, dit Johanne Brunet, professeure agrégée à HEC Montréal. Elles veulent un retour.»

Les grandes propriétés (les demandeurs de commandites) s'en sortent assez bien, constate Patrice Attanasio, consultant en gestion et exploitation de commandite. C'est tout le contraire chez les plus petites, particulièrement dans le milieu culturel, précise-t-il.

«On passe deuxième»

L'OSJM en sait quelque chose. L'organisme a un budget annuel de 135 000$, et entre 25 et 35% des revenus proviennent de la soirée bénéfice annuelle. Cette année, à une dizaine de jours de la soirée, la pêche aux commandites n'est pas très bonne.

«On a constaté que si nous ne sommes pas du secteur de la santé ou de l'éducation, c'est devenu extrêmement difficile d'aller chercher de l'argent, dit le président du conseil d'administration de l'orchestre, Jean-Paul Lejeune. Et d'autres OSBL nous disent avoir fait le même constat.»

«Avec la crise qui frappe les entreprises, on passe deuxième, ajoute le trésorier Simon Castonguay. Je peux comprendre.»

Sauf qu'il manque toujours 49 000$ pour la tournée en Allemagne.

À l'Ensemble contemporain de Montréal, la directrice administrative Georgine Vaillant estimait que la dernière soirée bénéfice, tenue mercredi, allait permettre d'amasser peut-être 30% de moins que les années passées. «Il faut vraiment insister plus pour obtenir quelque chose», dit-elle.

Johanne Brunet, de HEC Montréal, soutient qu'il n'y aura peut-être pas beaucoup de nouvelles commandites, mais «les propriétés vont tenter de conserver et de bien gérer celles qu'elles avaient déjà».

C'est un peu ce qui se passe aux Grands Ballets canadiens. La directrice adjointe au financement et aux événements, Élise Charbonneau, se réjouit de voir que les partenaires fidèles de l'institution sont toujours au rendez-vous.

«Par contre, pour ce qui est du démarchage pour de nouvelles grosses commandites, ça demande un peu plus de travail, note-t-elle. Les entreprises ont moins d'argent à investir et restent avec les propriétés avec lesquelles elles sont déjà engagées.»

Malgré tout, le dernier gala bénéfice a permis d'amasser la somme record d'un demi-million de dollars, dont 100 000$ en commandites. Et ce, même si trois commanditaires ont retiré leur contribution en invoquant la situation économique.

Ça va chez les grands

Parmi les grands acteurs de l'industrie culturelle, le financement va rondement, notamment parce que les contrats de commandite sont conclus pour plusieurs années. Le financement est donc moins vulnérable à la conjoncture économique.

Chez Spectra, organisateur du Festival de jazz et des FrancoFolies, la porte-parole Marie-Ève Boisvert indique que «tout est signé pour 2009, que ce soit pour le jazz ou les Francos». Elle assure que les discussions pour trouver un successeur à GM vont très bien, et qu'une annonce pourrait être faite dès cet été.

Pas de problème non plus du côté de l'Orchestre symphonique de Montréal. L'OSM a déjà renouvelé environ 90 % de ses commanditaires pour la prochaine saison, souligne Madeleine Careau, chef de la direction. Mais elle note que certains commanditaires lui ont avoué avoir fait des choix, en laissant parfois tomber d'autres commandites pour pouvoir garder l'OSM.