L'aide financière d'urgence de 100 millions de dollars US proposée par Québec pour la papetière AbitibiBowater fait face à un défi croissant en cour de la part d'autres créanciers et des fournisseurs de l'entreprise, qui craignent pour le sort réservé à leurs propres réclamations.

Leurs doléances sont telles que le juge Clément Gascon de la Cour supérieure, qui supervise la restructuration pour insolvabilité d'AbitibiBowater, pourrait devoir retarder de plusieurs jours sa décision d'autoriser l'aide financière proposée par la société d'État Investissement Québec. Cette aide prend la forme d'une garantie gouvernementale sur une ligne de crédit spéciale de 100 millions de dollars US consentie à la papetière en péril par la Banque de Montréal. Or, cette garantie de prêt est conditionnelle à l'obtention d'une première priorité parmi les créanciers d'AbitibiBowater, ainsi que diverses clauses de frais et de remboursements intérimaires au fur et à mesure du processus de restructuration.

Mais en Cour ce matin, les avocats de divers créanciers se sont levés à tour de rôle pour présenter les doléances de leurs clients envers ces privilèges prévus avec l'aide financière de Québec, même si les termes financiers de celle-ci demeurent avantageux pour AbitibiBowater.

Parmi ces créanciers récalcitrants, on note un groupe d'investisseurs dans un lot de 3 milliards de dollars US en obligations non-garanties de la papetière, et qui sont déjà sous le coup d'une suspension de paiement d'intérêts en raison de sa protection judiciaire.

Des groupes de détenteurs de centaines de millions de dollars en billets financiers adossés à des actifs d'AbitibiBowater se manifestent aussi en Cour, ainsi que des fournisseurs en construction et même la société d'équipements lourds Caterpillar, qui prétend à des liens sur au moins quatre millions de dollars en machinerie exploitée par la papetière.

Pendant ce temps, le principal avocat d'AbitibiBowater, Sean Dunphy, maintient en Cour que la papetière demeure en stress financier extrême.

«Cette entreprise fonctionne ces jours-ci sur l'équivalent de «vapeurs d'essence financières ». Retarder l'approbation d'un financement d'urgence avantageux offert par le gouvernement du Québec risque d'aggraver une situation déjà anormale de cash flow pour la gestion adéquate d'une entreprise de cette taille », a expliqué M. Dunphy.

Selon lui, AbitibiBowater veut accéder le plus rapidement possible à une première tranche d'au moins 30 millions des 100 millions prévu en financement spécial, au risque de ne pouvoir honorer certains déboursés d'exploitation à court terme.

Pour sa part, le contrôleur de la restructuration, Ernst & Young, a averti en cour que l'évaluation des liquidités disponibles chez AbitibiBowater demeure très précaire.

Par ailleurs, les travailleurs et retraités d'AbitibiBowater, qui s'inquiètent du sort de leurs avantages et de leurs prestations dans le processus de protection de faillite, devront patienter jusqu'au début de la semaine prochaine pour connaître la suite des représentations en Cour.

Entre autres, les principaux syndicats s'opposent aux intentions manifestées par la papetière d'interrompre certaines contributions aux régimes de retraite de ses milliers de salariés et retraités au Canada, sous prétexte qu'elle n'en a plus les moyens financiers à court terme.

Autres détails dans La Presse de samedi.