Selon deux économistes, les déboires du Canadien de Montréal feront diminuer la valeur de l'équipe de George Gillett, qui songe actuellement à s'en départir. Une thèse contestée par plusieurs acteurs qui participent au dossier de la vente du Canadien, dont le banquier Jacques Ménard et le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand.

«Les acheteurs éventuels (du Canadien) pourraient réviser leur prix à la baisse», croit l'économiste Philip Merrigan, professeur à l'UQAM et coauteur du livre Dernière minute de jeu: les millions du hockey publié en 2004.

 

«La valeur d'une équipe sportive dépend des profits anticipés, continue Philip Merrigan. Après les succès de l'an dernier, on prévoyait que le Canadien allait se rendre loin en séries durant plusieurs années. En séries, l'équipe fait davantage de profits car elle ne doit pas payer les joueurs. Mais l'équipe a été décevante, 11 joueurs sont maintenant agents libres et on ne sait pas si elle fera les séries l'an prochain.»

L'économiste Yves St-Maurice, du Mouvement Desjardins, croit aussi que la valeur du Canadien a diminué en fin de saison. «Si M. Gillett avait vendu l'équipe il y a six mois, il aurait profité d'un momentum, dit le numéro deux de l'équipe économique de Desjardins. Un acheteur aurait alors payé plus cher que la valeur réelle de l'équipe.»

Selon Philip Merrigan, les contre-performances des jeunes joueurs du Canadien sur la glace la saison dernière pourraient freiner les ardeurs d'un éventuel acheteur dans son évaluation de la valeur de l'équipe. «Le problème, ce n'est pas que le Canadien ait perdu rapidement en séries, dit le professeur de l'UQAM. Ce sont plutôt les performances inquiétantes de son gardien d'avenir (Carey Price) et des autres espoirs de l'équipe.»

L'économiste Yves St-Maurice nuance toutefois les propos de son collègue de l'UQAM. «La valeur d'une équipe sportive peut être influencée par ses résultats, mais ce n'est qu'un élément parmi tant d'autres, dit-il. Un investissement comme le Canadien se calcule à moyen et à long terme. Un propriétaire sait que son équipe peut connaître deux ou trois mauvaises saisons consécutives. L'important pour le Canadien, c'est de continuer à remplir le Centre Bell.»

Prêts de 100 millions

Le banquier Jacques Ménard, qui a été mandaté par le propriétaire George Gillett afin d'évaluer la possibilité de vendre l'équipe, ne partage pas les conclusions de Philip Merrigan. «Je ne suis pas un expert, mais je serais fort étonné que ça ait un impact, dit M. Ménard. Intuitivement, ce n'est pas tout à fait logique. Des institutions sportives comme le Canadien sont, aux yeux d'une communauté ou d'un éventuel acheteur, un bien ou une fiducie qu'ils vont détenir pendant longtemps. Les performances à court terme n'ont pas d'impact sur les motivations d'un individu ou d'une entreprise qui s'intéresse à une équipe sportive.»

Le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, partage l'avis de Jacques Ménard. «Quand quelqu'un achète une équipe, c'est un placement à long terme. Ça ne dépend pas de la dernière saison», dit le ministre Bachand.

Hier, le gouvernement Charest a indiqué son intention de consentir un prêt pouvant aller jusqu'à 100 millions à des acheteurs québécois par l'entremise d'Investissement Québec ou de la Société générale de financement (SGF). «Je ne veux pas être actionnaire, mais (un prêt) pourrait rapporter de l'argent (en intérêts)», dit le ministre Bachand.

Au début de la saison en octobre dernier, le magazine Forbes chiffrait la valeur du Canadien à 334 millions US (402 millions CAN).