Le directeur du département de finance de HEC Montréal veut aider Michael Sabia et offre les services de ses étudiants à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Dans une lettre teintée d'humour et adressée au président-directeur général de la Caisse, Martin Boyer souligne que les étudiants qui gèrent le Fonds Standard Life - HEC Montréal (FSLHEC) depuis 10 ans ont enregistré une meilleure performance que les gestionnaires de la Caisse.

 

«Si les étudiants de finance de HEC Montréal avaient été responsables de la stratégie de placement de la Caisse en 2008, la perte n'aurait été que de 25 milliards de dollars plutôt que de 40 milliards», soutient M. Boyer dans sa missive envoyée à La Presse hier.

Il offre donc au nouveau président de la Caisse Michael Sabia de laisser les étudiants de HEC gérer 1 milliard du capital de l'institution.

En échange, la Caisse pourrait rémunérer HEC Montréal à raison de 1% de l'actif sous gestion (10 millions de dollars), en plus de 10% de la plus-value annuelle dégagée par l'équipe de gestion.

Cette rémunération «pourrait servir à éliminer complètement le fardeau financier des quelque 3000 étudiants à temps plein de HEC Montréal qui doivent s'endetter de 2000$ par année», note M. Boyer.

En entrevue à La Presse Affaires, M. Boyer, sourire en coin, dit ne pas se faire pas d'illusion sur la réponse de M. Sabia.

Il assure néanmoins au nouveau PDG qu'on lui retournera l'ensemble de l'actif dans 10 ans si les gestionnaires ne réussissent pas à battre l'indice de référence.

Mais M. Boyer, qui supervise les activités du FSLHEC avec son collègue Nicolas Papageorgiou, respire la confiance: le fonds étudiant a fait mieux que la Caisse six fois au cours des neuf dernières années.

«Si un déposant quelconque avait investi 1000$ dans les habilités de gestion des étudiants en finance de HEC Montréal en 2000, il aurait eu 1697$ dans son compte au 31 décembre 2008, écrit le professeur. Si par ailleurs il avait placé cette somme à la Caisse, il n'aurait dans son compte que 1230$.»

Sur un capital de 100 milliards, cela signifie une différence de 40 milliards, estime M. Boyer.

Même en éliminant du calcul l'année 2008 (et la désastreuse aventure des PCAA de la Caisse), le fonds étudiant obtient un rendement annuel moyen de 9,37%, comparativement à 6,75% pour la Caisse, avec le même niveau de risque.

«C'est assez bon que les étudiants dégagent une si bonne valeur, d'autant plus qu'ils doivent suivre l'indice de référence d'assez près», a indiqué Martin Boyer en entrevue.

Une expérience riche

Le FSLHEC est le deuxième fonds étudiant en importance du Canada, et le plus performant de sa catégorie (fonds diversifié) en Amérique du Nord. Standard Life a confié 2 millions aux étudiants pour lancer le fonds en 1999. L'actif du fonds, composé que de titres canadiens, a atteint les 4 millions à la fin de 2007.

«Le fonds nous permet, après des cours très théoriques, de nous exposer aux marchés», dit Matthieu Robillard, un des gestionnaires rencontrés par La Presse Affaires dans les locaux de HEC, chemin de la Côte-Sainte-Catherine.

En 2008, justement, le fonds a enregistré un rendement de -14,9%, battant néanmoins son indice de référence (-15,6%). Pendant ce temps, la Caisse de dépôt perdait 25% (par rapport à son indice de -18,5%) et Teachers' reculait de 18% (par rapport à son indice de -9,6%).

La crise aura été une expérience très formatrice pour la quinzaine de gestionnaires étudiants, tous bénévoles, qui participent à l'exercice.

«En période très volatile, la plus petite mauvaise décision peut avoir un impact énorme sur ton rendement», dit Joel Kaczor, qui gérait jusqu'à tout récemment la portion obligataire du fonds. Les gestionnaires ont d'ailleurs modifié la composition du fonds au plus fort de la crise, atteignant jusqu'à 55% d'obligations.

Même si les gestionnaires étudiants ont réussi à battre leur indice de référence (et la Caisse de dépôt) dans la volatile année 2008, «nous entrons sur le marché du travail plus humbles face aux marchés», ajoute Joel Kaczor.

Aujourd'hui, le fonds est revenu à une répartition de 55% d'actions et 45% d'obligations. C'est signe d'un certain optimisme prudent, notent les apprentis gestionnaires.

«Même s'il y a encore beaucoup d'incertitude, il faut rester prêt pour la reprise», dit M. Robillard.