Le sujet de l'heure en comptabilité: les IFRS. Tout le monde en parle! Dans des articles de journaux, lors de conférences, à l'ordre du jour des réunions des comités de vérification et pendant les séances de travail des gens des départements de comptabilité et finances. Mais qu'en est-il vraiment? Voici un bref tour d'horizon de ce que vous devriez savoir si on vous en parle...

Les autorités comptables canadiennes ont ratifié un nouveau plan stratégique qui prévoit l'adoption des normes internationales d'informations financières. On désigne ces normes sous leur sigle anglais «IFRS» (International Financial Reporting Standards). Pourquoi ce changement de cap? Toutes les entreprises seront-elles touchées? Pourrez-vous encore vous y retrouver dans les états financiers publiés?

 

Depuis le début de la décennie, on avait consacré beaucoup d'efforts à l'harmonisation des normes comptables canadiennes avec les normes comptables américaines. Même si les États-Unis représentent le partenaire financier le plus important du Canada, on a plutôt choisi de se tourner vers des principes comptables moins détaillés et moins exhaustifs. La philosophie de développement des normes internationales est d'ailleurs plus près de l'approche canadienne et l'application des normes y repose plus sur le jugement.

L'un des principaux buts visés est aussi de permettre la comparaison de la performance financière d'entreprises canadiennes avec celle d'entreprises situées ailleurs dans le monde. Le Canada rejoint ainsi une centaine de pays (dont les membres de l'Union européenne et les pays côtiers du Pacifique) qui exigent ou permettent l'utilisation des IFRS pour les sociétés ouvertes.

Au Canada, ce qu'on a appelé le «basculement», c'est-à-dire le passage aux normes internationales, doit se faire pour les exercices financiers annuel et intérimaire ouverts à partir du 1er janvier 2011. La date semble lointaine, mais les délais sont serrés et le travail doit déjà être en cours: le plan de mise en oeuvre prévoit qu'en 2009, chaque entreprise devra quantifier assez précisément les effets de ce passage.

Quant aux états financiers de 2010, ils seront présentés selon les principes comptables généralement reconnus (PCGR) canadiens mais ils devront ensuite être fournis selon les IFRS pour fins de comparaison aux états financiers de 2011.

Toutes les entreprises doivent-elles se préparer à adopter les normes internationales? Non! Tenant compte du niveau de détail requis par les IFRS et des coûts disproportionnés par rapport aux avantages pour les dirigeants des sociétés privées, il a été décidé que les IFRS seront obligatoires pour les entreprises canadiennes ayant une obligation publique de rendre des comptes, à l'exception d'un organisme sans but lucratif ou d'un gouvernement ou d'une autre entité du secteur public. On vise donc les entreprises qui émettent des titres de dettes ou de capital sur un marché public ainsi que les entreprises qui agissent principalement comme fiduciaires, telles les coopératives d'épargne et de crédit et les compagnies d'assurance.

Les entreprises à capital fermé pourront adopter les IFRS, mais sans y être tenues; sinon elles devront se référer à un ensemble de normes canadiennes «distinctes» qui seront élaborées à partir des PCGR canadiens déjà existants. Le travail est déjà commencé: il vise à simplifier les normes et à réduire les exigences de divulgation financière et, accessoirement, le nombre de pages de textes normatifs.

À la suite de l'adoption des IFRS, allez-vous encore pouvoir comprendre les états financiers publiés? La réponse est oui! Les états financiers basés sur les IFRS et ceux selon les PCGR canadiens sont fondés sur un cadre conceptuel semblable. Pour les préparateurs d'états financiers, le travail est important parce que, malgré les similitudes, il existe des différences importantes pour certaines normes (par exemple, celle touchant les immobilisations corporelles) et que, généralement, les informations à fournir dans les notes seront beaucoup plus détaillées.

Il faudra donc que les systèmes informatiques permettent de produire ces données; on devra aussi établir si les changements aux estimés et aux calculs auront des impacts sur les ratios financiers indiqués dans des clauses contractuelles ou sur les régimes d'intéressement et si oui, revoir ces ententes.

Le lecteur d'états financiers, lui, peut s'attendre à enrichir son vocabulaire comptable, bien que l'adoption de la terminologie des IFRS ne soit pas obligatoire (par exemple: actif courant et non courant plutôt qu'actif à court terme et à long terme, état de situation financière plutôt que bilan), et à lire des notes expliquant des normes ayant de nouvelles exigences ou offrant des choix (tel l'évaluation d'une immobilisation selon le modèle du coût ou selon le modèle de la réévaluation, basé sur la juste valeur).

En conclusion, dans un contexte de mondialisation des marchés, l'utilisateur canadien d'informations financières bénéficiera sûrement d'une harmonisation des normes comptables et de la présentation des états financiers. Il devrait en résulter une information plus utile pour la prise de décisions économiques.

L'auteure, Andrée Lafortune, FCA, est professeure titulaire au Service de l'enseignement des sciences comptables à HEC Montréal.