Le Québec retourne aux déficits budgétaires qu'il avait pourtant réussi à juguler, depuis une décennie. Le gouvernement Charest annonce un déficit de 3,9 milliards pour 2009-2010.

Sur quatre ans, c'est plus de 11 milliards d'encre rouge qui sont à prévoir. Québec doit par conséquent suspendre l'application de sa loi sur l'équilibre budgétaire pour tout balayer sous le tapis de la dette.

Jeudi, à l'Assemblée nationale, dans ce qui sera probablement son dernier budget, la titulaire des Finances, Monique Jérôme-Forget a repoussé à janvier 2011 plusieurs décisions impopulaires, nécessaires pour retrouver l'équilibre des finances publiques dans cinq ans.

«Je n'annonce pas des bonnes nouvelles. Si vous me demandez s'il y aura des baisses d'impôts dans les prochaines années, la réponse est non», a-t-elle laissé tomber, reconnaissant que le fardeau global des contribuables augmentera, une fois la récession terminée.

Pour l'heure, parce que la tempête est toujours en cours, «on n'enlève pas l'argent des poches des citoyens», explique-t-elle, promettant que «le Québec ne sortira pas amoché de la récession».

Dans deux ans, Québec augmentera de 1% - à 8,5% - sa taxe de vente afin de pomper 1,5 milliard des poches des consommateurs qu'on a décidé de laisser tranquilles cette année à cause de la crise. Québec prévoit que 250 millions seront retournés en crédits supplémentaires aux contribuables moins fortunés.

Dès 2011 aussi, le gouvernement indexera une foule de tarifs qui n'ont pas été ajustés depuis des années - des permis de pêche jusqu'aux frais pour un certificat de naissance - des recettes de 60 millions par année, sur une assiette de 3 milliards de tarifs «oubliés». Seules les garderies à 7 $ seront épargnées. Cette indexation s'ajoutera aux ajustements de tarifs qui peuvent résulter des déboires de la Caisse de dépôt, expliquent aussi les fonctionnaires.

«Ce n'est pas des mesures populaires. Je ne gagnerai pas de concours de popularité avec ça à compter de 2011», lance-t-elle. Elle a badiné quand un reporter lui a rappelé qu'elle ne serait plus en politique dans deux ans.

Le retour aux déficits, «c'est, convient-elle, un changement draconien par rapport aux dernières années». Mais «c'est un budget responsable. En temps de crise, il faut que le gouvernement réponde : présent !».

Québec a maintenu le déficit québécois à des proportions qu'envieront d'autres gouvernements ; les 3,9 milliards de déficit cette année représentent 1,3% du PIB au Québec. Washington a vu le sien monter à 12,3% et Ottawa a annoncé un déficit de 2,2% du PIB canadien.

L'impact de la Caisse

D'autres chiffres sont moins rassurants. Avec le budget d'hier, la dette brute passera de 50 à 54% du PIB en trois ans. La catastrophe des rendements de la Caisse de dépôt, a des conséquences directes sur la dette publique. Québec devra ajouter 250 millions à la dette cette année et 595 millions en 2010-2011 pour faire face à ses obligations pour le Fonds d'amortissement des régimes de retraite publics. Par ailleurs, à la surprise de beaucoup d'observateurs, Québec maintient ses contributions au Fonds des générations, plus de 715 millions cette année et de 880 millions l'an prochain.

Pas de compressions

Mais en dépit de la disette au niveau des recettes et du fardeau de la dette accrue, pas question de se serrer la ceinture à Québec.

Le gouvernement fait passer la croissance des dépenses de 2009-2010 à 4,5% pour l'année 2009-2010 alors qu'il visait 3% il y a un an.

Pour la ministre Jérôme-Forget toutefois, pas question de se lancer dans une opération de compressions de dépenses tous azimuts, «on a déjà joué dans ce film là».

Hier, Mme Jérôme-Forget a indiqué que seulement 40% des sources de revenu nécessaires pour retrouver l'équilibre budgétaire en 2013 étaient identifiées. Des compressions douloureuses sont à prévoir pour identifier les 60% restants. En 2010-2011, la croissance des dépenses sera ramenée de 4,5 à 3,2%. Bien que Québec parle toujours de «négociations ouvertes» dans le secteur public, on s'attend déjà à une ou deux années de gel salarial après le paiement des derniers 2% d'augmentation prévus aux conventions, le 1er avril prochain. Sur une masse salariale de 25 milliards, chaque hausse de 1 $ représente 250 millions.

Sa collègue au Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, a promis elle une revue serrée des programmes, un «vaste chantier» dès cette année. On a, comme promis, épargné la Santé, dont le budget grimpera de 5,7% cette année, l'Éducation sera moins favorisée avec 3,5% de croissance budgétaire.

La ministre des Finances prévoit un retour subit du beau temps en 2010-2011 avec une croissance de 1,9%, une estimation beaucoup plus modeste toutefois que celle du gouvernement fédéral.

Du recyclage

En dépit des recettes qui diminuent, Québec va de l'avant avec un plan d'action de 1 milliard de mesures destinées à stimuler l'économie, dont seulement seulement 242 millions n'avaient pas été annoncées jusqu'ici.

On injecte 100 millions de plus cette année dans les programmes de formation d'Emploi-Québec. Québec parle d'un programme de 500 millions, mais une grande partie du financement vient des coffres d'Ottawa.

Autre mesure sociale, Québec versera cette année 22 millions pour bonifier les crédits d'impôt pour garde d'enfant - les familles dont les revenus n'excèdent pas 125 000 $ ne seront pas désavantagées si elles optent pour les garderies non subventionnées. Québec maintient le cap sur son objectif de 220 000 places en garderie à 7 $ pour l'automne 2010.

Pour les entreprises, le gouvernement ne déroge pas de son plan de match sur l'élimination progressive de la taxe sur le capital. Québec espère aussi récupérer 900 millions de revenus en freinant l'économie au noir, dans le secteur de la construction notamment.

Québec claironne quelques initiatives qui ne pèsent pas lourd dans ses coffres. On annonce un fonds de 500 millions offert conjointement par la SGF et le Fonds de solidarité qui ne coûtera en fait que 12,5 millions par année à Québec en coût de financement.

Une nouvelle mouture du programme d'épargne-actions, REA II, sera mise en place pour aider les entreprises de moins de 200 millions, un bassin de 250 entreprises environ, à trouver de l'argent frais, encore là, l'impact pour Québec sera modeste, 20 millions de dépenses fiscales sur une pleine année.