Jacques Lamarre n'a pas l'intention de jouer à la belle-mère.

Le président et chef de la direction de SNC-Lavalin quittera son poste le 7 mai prochain, à l'occasion de l'assemblée annuelle de la firme d'ingénierie. Il n'occupera pas de poste de conseiller auprès du nouveau grand patron, Pierre Duhaime, actuellement vice-président directeur responsable des mines et de la métallurgie, et ne conservera pas son poste au conseil d'administration.

«Je fais pleinement confiance à Pierre, a déclaré M. Lamarre en conférence de presse hier, aux côtés de son épouse Céline Robitaille Lamarre. Je ne voulais pas teinter par ma présence les décisions qu'il pourrait prendre, je voulais qu'il soit complètement libre.»

 

M. Lamarre a décidé de s'en aller après 42 ans passés au sein de SNC-Lavalin, dont 13 ans en tant que président et chef de la direction.

«Cette décision n'a pas été facile à prendre, elle n'a pas été prise à la légère, a-t-il indiqué. Cependant, à l'âge de 65 ans, je sens que c'est le temps de franchir une autre étape.»

Le fils de M. Lamarre, Patrick, est vice-président directeur responsable de l'énergie chez SNC-Lavalin, mais il n'a pas été considéré pour le poste de président et chef de la direction, même s'il fait partie du bureau du président comme M. Duhaime.

Jacques Lamarre a affirmé qu'il se serait opposé à une telle nomination, qui aurait pu susciter la controverse.

«C'est à lui de faire ses preuves, a-t-il déclaré. Mais je ne suis pas inquiet. SNC-Lavalin est chanceuse d'avoir quelqu'un comme Patrick. En fait, ça va être mieux pour lui que je ne sois pas là.»

Grands projets

Interrogé au sujet de grands projets d'ingénierie qui mériteraient d'aller de l'avant au Québec et au Canada, M. Lamarre a mentionné le développement de la rivière Churchill, la filière de l'énergie nucléaire et le fameux train à grande vitesse entre Québec et Windsor.

«C'est un projet extraordinaire qui apporterait beaucoup d'avantages économiques au Québec et à l'Ontario, mais ça prend un grand champion politique pour faire un tel projet, a-t-il déclaré. Mais pour l'instant, je ne crois pas qu'il y ait un champion qui soit prêt à mettre sa carrière en jeu.»

Jacques Lamarre n'a pas de plan bien précis pour le moment, mais sa retraite risque d'être active.

«J'ai beaucoup d'énergie, j'espère entreprendre d'autres choses qui seraient intéressantes.»

Il n'est pas question de faire quoi que ce soit qui puisse le mettre en concurrence avec SNC-Lavalin. Il n'est pas non plus question d'occuper un poste de président, ou même un poste d'administrateur. Il vise plutôt un rôle informel de conseiller ou de mentor.

«J'aimerais aider, mais sans être lié par un titre quelconque, a-t-il expliqué. J'aimerais être libre de donner des conseils à des gens qui ne se sentent pas obligés de les suivre.»

Toutes les avenues sont ouvertes.

«Je suis omnivore, tout m'intéresse, autant du côté des arts que du côté intellectuel ou du côté financier.»

Il ne faudra probablement pas chercher bien loin de M. Lamarre pour trouver Céline Robitaille Lamarre. M. Lamarre a indiqué que pendant toutes ces années, sa femme s'était intéressée autant que lui à SNC-Lavalin.

«Un peu comme une Shéhérazade inversée, voulant toujours connaître la suite des événements, elle est demeurée avec moi tout ce temps, a blagué M. Lamarre. J'espère trouver autre chose qui pourra autant l'intéresser.»

M. Lamarre a choisi d'annoncer son départ hier, au moment où SNC-Lavalin divulguait de solides résultats pour l'exercice 2008. Le bénéfice net de l'entreprise a doublé, passant de 153,2 millions à 312,5 millions de dollars pour l'ensemble de l'année. SNC-Lavalin a augmenté son dividende de 25% au quatrième trimestre pour le porter à 15 cents par action.

L'action de SNC-Lavalin a gagné 74 cents pour clôturer à 29,39$ hier à la Bourse de Toronto.

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Appel à la conscience sociale 

Au cours de sa carrière, Jacques Lamarre a souvent exprimé des opinions qui tranchaient sur celles des autres dirigeants. Quelques semaines après les attentats du 11 septembre 2001, il avait plaidé pour une plus grande conscience sociale chez les entrepreneurs. «Je crois qu'on peut voir dans ces événements le symptôme et l'expression de la grande misère, la douleur et même l'humiliation ressenties par des millions de personnes dans bien des parties du monde, avait-il déclaré. Il n'est pas surprenant que les démunis, les sans-abri et les opprimés de certaines sociétés aient recours à la violence dans leur frustration face au manque d'espoir auquel ils sont confrontés.»

«Il faut mener nos activités d'une façon et dans un esprit qui contribuent à l'inclusion des pays du tiers-monde dans la famille des nations, au développement social et économique de ces pays et à l'harmonisation des relations entre les pays dits industrialisés et les pays en voie de développement», avait-il aussi dit.