Le Québec, comme le reste de l'Occident, n'échappe pas à la récession. Mais dans ce climat morose, plusieurs entreprises réussissent à tirer leur épingle du jeu... certaines affichant même une forte croissance! La place importante du secteur public permet aussi au Québec de mieux absorber la crise, du moins pour l'instant.

Le discours est connu: quand l'économie roule à toute vapeur, ils sont nombreux à dire que l'État prend trop de place dans l'économie du Québec, qu'il étouffe le secteur privé. Mais en temps de récession, se pourrait-il que la grande place du public serve de tampon pendant que le privé y va de compressions en compressions?

 

La statistique en étonnera plus d'un. Pour chaque dollar qui circule dans l'économie du Québec, 42,3 cents ont un lien direct avec les gouvernements, que ce soit votre ville, Québec ou Ottawa. Une portion qui va croissant. Et si on ajoute en plus les investissements des sociétés d'État et les intérêts payés par les gouvernements sur les dettes publiques, on obtient 50,3% au Québec contre 34,9% dans le reste du Canada.

Cette donnée a été calculée par Richard Barbeau, économiste et coordonnateur à la direction des statistiques économiques à l'Institut de la statistique du Québec. Elle comprend toutes les dépenses courantes des gouvernements de même que les chèques et subventions versés aux individus et aux entreprises.

Quarante-deux cents par dollar, ça ne dit pas grand-chose si on ne se compare pas à nos voisins... et qu'on ne constate pas l'important écart qui nous sépare d'eux. Ainsi, dans le reste du Canada, c'est 31,4 cents par dollar. En Ontario, c'est semblable, à 31,2 cents, selon les données de 2006.

Stabilisateur

Le lien entre ces données et la récession qui nous accable? vous demandez-vous peut-être. «Objectivement, il y a un effet de stabilisateur naturel qui vient avec la taille de votre fonction publique et le poids de votre administration publique dans l'économie», explique l'économiste Marc Van Audenrode, du Groupe d'analyse ltée, aussi professeur à l'Université de Sherbrooke.

Stabilisateur parce que, en temps de crise comme celle que l'on vit actuellement, les gouvernements ne font pas de compressions comme le secteur privé en fait. Au contraire, en Occident, ils sont plutôt en mode dépensier par les temps qui courent, certains ressortant même la vieille planche à billets pour dégeler leur économie.

Le Québec n'a pas attendu la crise actuelle pour se lancer dans les dépenses. L'effondrement du viaduc de la Concorde à Laval en 2006 a fait en sorte que le programme d'infrastructures québécois était déjà en place. Selon les calculs de Desjardins, les dépenses en infrastructures ont ainsi fait un bond de 29,8% entre 2007 et 2008.

Bémols

Le hic, souligne Hélène Bégin économiste principale de Desjardins, c'est que, quand on parle d'économie, on parle de croissance. Comme Québec a déjà beaucoup augmenté ses dépenses, il sera difficile d'en faire autant en 2009.

Ainsi, selon ses prévisions, les investissements publics au Québec vont augmenter de 11,2% cette année. Ce n'est pas rien, mais l'Ontario aura droit à un coup de pouce de 15,9%. «C'était notre discours l'an passé, que les dépenses des gouvernements vont aider l'économie à un peu mieux s'en sortir. Mais on perd un peu cet avantage comparatif cette année.»

Évidemment, les programmes ontariens devront se mettre en place tel qu'annoncé pour que la province puisse en profiter.

Un autre bémol vient de l'économiste Luc Godbout, lui aussi de l'Université de Sherbrooke. «Il faut garder en tête que nous avons une économie exportatrice, alors si notre principal marché d'exportation tombe à plat (les États-Unis), ça ne peut être sans conséquence sur l'économie québécoise.»

«D'autant, poursuit-il, que les données des 25 dernières années indiquent que l'évolution économique du Québec est fortement corrélée à l'évolution économique des États-Unis.»

À Valeurs mobilières Banque Laurentienne, l'économiste Sébastien Lavoie voit le coussin offert part l'État comme un avantage. Mais à court terme seulement. «À long terme, ça peut venir alourdir le bilan.»

Il note que la dette québécoise -qui atteint 42% du produit intérieur brut- est beaucoup plus lourde que l'ontarienne, à 25%. «Aujourd'hui, l'Ontario peut se permettre de s'offrir des déficits de 15 milliards alors que le Québec ne peut pas s'enfoncer davantage.»

Un avantage, donc, le coussin de 42,3 cents par dollar qu'offrent les gouvernements au Québec? Sans doute. Mais sa seule présence ne sera pas suffisante pour amortir tous les coups.