Le prochain épisode du feuilleton judiciaire de Vincent Lacroix, qui aura lieu ce matin à la Cour d'appel du Québec, inquiète certains experts en droit des valeurs mobilières.

L'ancien PDG de Norbourg tentera de faire réduire sa peine de prison en vertu des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec de huit ans moins un jour à cinq ans moins un jour. S'il convainc la Cour d'appel du Québec, il sera pratiquement libre puisqu'il pourra bénéficier d'une libération conditionnelle au sixième de sa peine (il a déjà purgé un an et un mois). Vincent Lacroix devra toutefois faire face à 200 chefs d'accusation criminels en septembre prochain.

Si la libération - même provisoire - de Vincent Lacroix choquerait les victimes de Norbourg, elle provoquerait aussi le mécontentement du réputé professeur Stéphane Rousseau, qui enseigne le droit des valeurs mobilières à l'Université de Montréal. «Le dossier de Vincent Lacroix est un cas d'espèce extrêmement important (pour les victimes), mais il aura aussi des conséquences sur toute l'industrie des valeurs mobilières», dit-il.

La question en litige: la méthode de calcul des peines purgées en vertu des lois provinciales sur les valeurs mobilières. En première instance, le juge Leblond de la Cour du Québec avait conclu que les peines pouvaient être additionnées s'il y avait plusieurs infractions - une première applaudie par ceux qui réclament des peines plus sévères en matière de fraude financière. En deuxième instance, le juge Vincent de la Cour supérieure a tempéré les propos de son collègue de la Cour du Québec, réduisant la peine de trois ans et demi.

L'Autorité des marchés financiers demande maintenant à la Cour d'appel de rétablir la décision du juge Leblond, qui envoyait Vincent Lacroix en prison pour 12 ans moins un jour, le séjour maximal prévu pour ce type d'infractions.

L'avocat de Vincent Lacroix, Me Clemente Monterosso, plaidera ce matin que les peines excédant cinq ans d'emprisonnement relèvent exclusivement du droit criminel fédéral. Un juge ne pourrait ainsi additionner des peines provinciales au-delà de cinq ans. «C'est du droit criminel déguisé, dit-il. C'est un point de droit très intéressant. M. Lacroix est d'ailleurs prêt à se rendre jusqu'en Cour suprême s'il le faut.»

Selon le professeur Rousseau, un revers de l'Autorité des marchés financiers pourrait non seulement faire libérer Vincent Lacroix: il donnerait des arguments supplémentaires aux partisans d'une commission nationale des valeurs mobilières. Dans le dernier énoncé budgétaire, le gouvernement Harper a annoncé son intention de créer une commission nationale des valeurs mobilières. Des provinces comme le Québec et l'Alberta s'y opposent au nom de leurs droits constitutionnels.

«Depuis bon nombre d'années, on critique que les lois provinciales en matière de valeurs mobilières aient aussi peu de mordant, dit Stéphane Rousseau. Certaines personnes y voient même un argument pour donner la responsabilité des valeurs mobilières au fédéral et créer une commission nationale des valeurs mobilières (...) Il faut que la Cour d'appel envoie un signal clair, surtout dans le contexte actuel alors que la confiance des investisseurs est ébranlée.»