La firme de notation de crédit Standard and Poor's a placé jeudi la cote de la Caisse de dépôt et placement du Québec sous surveillance avec «implications négatives», en raison de ses rendements «nettement» inférieurs à ceux des autres grandes caisses de retraite canadiennes en 2008 ainsi qu'à une plus grande instabilité au sein de sa haute direction.

La firme de notation torontoise a précisé qu'au terme de la période de surveillance de trois mois, elle va «vraisemblablement» maintenir la cote à long terme AAÀ de la Caisse tout en lui accolant une perspective négative ou encore la réduire d'un échelon. Notons que la cote à long terme AAÀ est la plus élevée au Canada.

Selon Nikola Swann, analyste chez Standard and Poor's, cette décision a été motivée par l'annonce, mercredi, d'un rendement négatif de 25 pour cent pour l'année 2008, soit une performance «nettement pire» que celle des autres grandes caisses de retraite canadiennes qui ont jusqu'ici divulgué leurs résultats.

Il estime de plus que la Caisse de dépôt souffre d'un manque de stabilité et de leadership au sein de sa haute direction à un moment où elle en aurait bien besoin, soulignant que le prochain chef de la direction de l'institution, qui devrait être désigné en 2009 par le gouvernement du Québec, sera le troisième en 12 mois.

«De plus, comme l'a fait savoir hier (mercredi) la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget, le gouvernement du Québec va bientôt nommer de nouveaux membres au conseil d'administration, dont un président», écrit Standard and Poor's dans son communiqué.

M. Swann a ajouté que dans ce contexte, «il pourrait y avoir un débat au sein de la classe politique quant à la possibilité qu'il y ait des changements plus fondamentaux sur les liens entre la Caisse et le gouvernement du Québec, ce qui pourrait réduire le niveau d'indépendance dans le choix des décisions d'investissement».

L'analyste ajoute que la Caisse devra faire face en 2009 «à l'un des contextes d'investissement les plus difficiles auxquels elle ait été confrontée».

«Nous considérons que les récents événements indiquent qu'il y a moins de stabilité au sein de la haute direction, à un moment où il nous semble qu'un leadership fort et stable serait encore plus important», ajoute M. Swann.

La firme Standard and Poor's souligne néanmoins qu'elle continue de croire que la Caisse est dans une situation financière «solide» quant à sa capacité de faire face à ses obligations. Elle souligne qu'en date du 31 décembre dernier, la valeur de ses actifs était presque trois fois supérieure à ses engagements financiers.

La firme ajoute de plus que l'écart favorable entre la cote de crédit de la Caisse et celle du gouvernement du Québec était supérieur à celui de toute autre caisse de retraite au Canada, et que compte tenu des derniers résultats de la Caisse de dépôt, un tel écart n'est peut-être plus justifiable.

La direction de la Caisse de dépôt a réagi à l'annonce de Standard and Poor's en affirmant jeudi soir, par voie de communiqué, «qu'elle collaborera de près avec l'agence afin de lui apporter les précisions demandées sur les éléments invoqués, soit la stabilité de la direction, la stratégie de la Caisse dans le climat économique actuel, la gestion des risques et l'indépendance de l'institution vis-à-vis du gouvernement».

Quant à la ministre Jérôme-Forget, elle a dit voir dans la réaction de Standard and Poor's «un sérieux avertissement sur les dangers de politiser cette institution».

«Pour l'agence, il est primordial que la Caisse maintienne son indépendance du politique dans sa gestion et ses décisions d'investissement», a ajouté la ministre, réagissant ainsi à la volonté de l'opposition du Parti québécois de revoir le mandat de la Caisse afin qu'elle investisse davantage au Québec.

«Le doute quant au maintien de l'indépendance de la Caisse que laisse planer l'opposition se veut une opération excessivement partisane néfaste pour la Caisse, ses déposants et l'ensemble des Québécois. L'opposition doit agir de façon responsable», a ajouté la ministre Jérôme-Forget.