Les astres semblent s'aligner. Le ciel polaire pourrait bientôt recevoir la visite d'un tout nouveau satellite de communications et de météo, un satellite canadien qui pourrait avoir un intéressant contenu québécois.

La division de MDA (MacDonald, Dettwiler and Associates) à Sainte-Anne-de-Bellevue (l'ancienne SPAR Aérospatiale) essaie de se positionner pour devenir le maître d'oeuvre de l'ambitieux projet de l'Agence spatiale canadienne.

 

«C'est un concept extrêmement intéressant, lance le vice-président des activités montréalaises chez MDA, Marc Donato. Le projet est encore à l'étude, mais les signaux sont très positifs.»

Le gestionnaire de la mission PCW (Polar Communications Weather) à l'agence spatiale, Guennadi Kroupnik, explique que le projet comprendra en fait deux satellites qui suivront une orbite elliptique très spécifique. Chaque satellite passera très lentement et à très haute altitude au-dessus de l'Arctique, ce qui permettra 12 heures de couvertures. Avec ces deux satellites, l'Arctique sera couvert 24 heures sur 24.

À l'heure actuelle, les satellites géostationnaires ne couvrent pas les régions polaires. Il existe bien des satellites polaires, mais leur orbite ne permet pas d'avoir une image globale de la région.

«Il peut parfois y avoir un écart de six heures entre les images, ce qui est inacceptable, notamment pour la communauté météorologique parce que les processus météorologiques sont très dynamiques et qu'il y a beaucoup de changement dans cette période, explique M. Guennadi. Le PCW nous donnera une image complète de toute la région Arctique toutes les 15 minutes.»

Deux grands objectifs

Le PCW aura deux grands objectifs, soit la fourniture de services de communications et de données météorologiques et climatiques.

La fourniture de services de communications à haute vitesse dans le Nord canadien constitue une priorité pour le gouvernement actuel. Le dernier budget accorde notamment 225 millions de dollars sur trois ans à Industrie Canada pour élargir l'accès aux services à large bande dans les communautés rurales et éloignées.

De meilleurs services de communications dans le Nord sont également essentiels pour assurer la protection de la souveraineté canadienne dans l'Arctique, ajoute M. Kroupnik. Ce qui constitue une autre priorité pour le gouvernement conservateur. L'exploration et l'exploitation de ressources naturelles, ainsi que l'établissement de nouveaux laboratoires et centres scientifiques dans l'Arctique dépendent également de meilleures communications.

Du côté des données météorologiques, les avantages du PCW sont tels que les autres pays nordiques, comme les États-Unis, la Russie et les pays scandinaves, se sont montrés intéressés à collaborer au projet, souligne M. Kroupnik.

Le projet permettra également de mieux mesurer l'impact des changements climatiques en comparant des données saisonnières, comme la couverture des glaces.

M. Donato affirme que le Canada a tout avantage à se donner un tel outil et à garder le contrôle sur celui-ci.

«Si ces informations sont sous le contrôle d'un autre pays, celui-ci peut décider de fermer la valve à n'importe quel moment, indique-t-il. Si le pays a la capacité, c'est préférable de faire ce genre de projet à l'interne. On peut ainsi récupérer les impôts qui nous reviennent, fournir des emplois de haute technologie et tirer avantage de ces technologies pour faire des exportations commerciales.»

Intérêt

Plusieurs entreprises situées au Québec s'intéressent tout particulièrement au volet météorologique du projet PCW. ABB travaille déjà avec MDA à ce niveau.

«Nous avons conçu le coeur du système météorologique des prochains satellites américains en orbite polaire, fait remarquer Jean-Marc Soucy, directeur de l'industrie de télédétection chez ABB. C'est une application similaire.»

L'Institut national d'optique (INO) espère faire affaire avec ABB pour fournir des instruments qui permettront au PCW de recueillir des données météorologiques.

«La technologie que nous possédons est essentielle au bon fonctionnement des instruments et à l'atteinte des performances», assure le gestionnaire du programme des technologies pour l'espace et l'astronomie de l'INO, François Châteauneuf.

MPB Technologies, de Pointe-Claire, veut également se joindre à la grande équipe de MDA.

«Nous avons déjà participé à une rencontre pour discuter d'optique et d'instrumentation», indique Weslaw Jamroz, directeur des projets avec l'Agence spatiale pour MPB.

Le projet PCW a fait l'objet d'une étude de faisabilité. L'Agence spatiale s'engage maintenant dans la phase A, qui permettra de définir les requis de la mission. L'appel d'offres pour cette phase devrait être lancé d'ici la fin de mai. Ce n'est qu'après cette phase que l'Agence aura une idée du coût de l'ensemble du projet. L'Agence espère voir le PCW prendre son envol en 2016, mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

«Seule la phase A a été approuvée jusqu'à maintenant, indique M. Kroupnik. La transition entre la phase A et les phases subséquentes est parfois très difficile, mais nous sommes très encouragés, il y a beaucoup d'appui pour la mission.»

Le ministère de la Défense nationale et Environnement Canada ont participé à l'étude de faisabilité et le ministère des Ressources naturelles devrait se joindre à eux pour la phase A. En tout, 15 ministères ont formé un groupe d'usagers pour faire connaître leurs besoins.

Le gestionnaire du projet PCW à l'Agence spatiale, Luc Dubé, se montre encouragé par l'investissement additionnel de 110 millions annoncé récemment par le gouvernement conservateur, même s'il porte surtout sur la robotique.

«Cela montre que le gouvernement s'intéresse au domaine spatial, qu'il reconnaît que ce domaine peut apporter des solutions, déclare M. Dubé. Le ministre (de l'Industrie Tony Clement) s'est dit impatient de prendre connaissance du plan à long terme que l'agence spatiale devrait soumettre prochainement. Cela montre que le gouvernement est ouvert aux idées que nous allons proposer.»

 

225 millions

Somme que prévoit dépenser Industrie Canada pour améliorer l'accès aux services à large bande dans les communautés éloignées

6%

Part des revenus de l'Institut national d'optique (INO) de Québec qui provient

de l'industrie spatiale