On ne cesse de dire qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Qu'elle s'aggrave. Qu'il y aura 700 000 postes à pourvoir d'ici 2012. Pendant ce temps, le taux de chômage chez les immigrés est trois fois plus élevé que chez les autres travailleurs.

Pourtant, parmi la cohorte des immigrés reçus au Québec en 2007, 60% parlaient le français et 65% avaient plus de 14 ans de scolarité. Serions-nous incapables d'accepter et de gérer la diversité au travail?

 

Il y a du moins beaucoup de place à l'amélioration. C'est ce que croit le conférencier Alain Samson, qui vient de lancer un nouveau livre destiné à aider les gestionnaires à mieux intégrer les employés issus des communautés culturelles dans les équipes de travail. Le titre dépeint bien la situation actuelle dans certaines organisations, selon l'auteur: Mon équipe est multicolore mais je suis daltonien. «Nos gestionnaires ont été élevés dans une philosophie d'après-guerre, où tout le monde se ressemblait au sein des équipes, dit-il. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il faut s'adapter.»

M. Samson, qui visite de cinq à six entreprises par semaine, a constaté que la gestion de la diversité varie énormément de l'une à l'autre. Toutes ne sont pas adaptées à cette nouvelle réalité du marché.

«Je constate que celles qui sont plus ouvertes à la diversité sont mieux à même de faire face aux défis actuels et tirent mieux leur épingle du jeu», dit-il.

Autrefois, la gestion des équipes et l'organisation du travail étaient simplifiées par l'uniformité. Un bon gestionnaire était reconnu comme tel lorsqu'il accordait le même traitement à tous, parce que tous avaient les mêmes besoins. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. On ne peut plus traiter tout le monde de la même façon.

«Je compare cela à un ragoût, dit Alain Samson. Il est bon parce que, à l'intérieur, tous les ingrédients goûtent la même chose. Tout ce qu'on y met prend la saveur du ragoût. Mais l'environnement de travail diversifié, c'est plutôt une salade du chef. Chaque ingrédient garde sa saveur propre, tout comme chaque employé a le droit de conserver sa culture.»

Ce qui doit lier le tout, c'est la vinaigrette. Et la vinaigrette, c'est le leadership.

Organisation multiculturelle

Les leaders d'une entreprise doivent prêcher par l'exemple, croit Alain Samson. «On doit d'abord commencer par changer les pratiques d'embauche, dit-il. Si la page de recrutement du site internet de la compagnie montre uniquement des photos d'hommes blancs dans la cinquantaine, ce n'est pas très invitant pour les chercheurs d'emploi issus de minorités.»

Il faut aussi former les employés pour les aider à accepter la différence et à savoir quels comportements adopter. D'abord, il faut les amener à mettre des mots sur ces comportements, à prendre conscience des préjugés et à accepter les autres tels qu'ils sont.

«Avant, la règle d'or, c'était: fais aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fassent, explique M. Samson. Mais avec la diversité culturelle, il y a un risque de déplaire en suivant cette règle. La nouvelle règle serait plutôt: fais aux autres en fonction de ce qu'ils sont et de leur réalité pour tirer le meilleur d'eux-mêmes.»

Le clan du futur

Il fut un temps où le clan incluait tous ceux qui étaient comme nous. L'esprit de clan nous poussait à rejeter ceux qui étaient différents parce qu'ils représentaient une menace. Un comportement naturel, hérité de l'époque préhistorique, où il fallait assurer la défense du territoire et des ressources, selon l'auteur.

Mais dans un monde changeant, il se pourrait bien que ceux dont nous avons le plus besoin soient ceux qui ne nous ressemblent pas, note Alain Samson. «Si vous voulez vous lancer sur les marchés d'Asie, par exemple, il vous faut un Asiatique dans votre équipe.»

Il donne l'exemple d'un constructeur automobile nord-américain qui avait lancé une voiture en Amérique du Sud dont le nom était «Nova». Or, en espagnol, ce terme signifie: qui n'avance pas. Évidemment, ce modèle a connu un échec commercial. «S'il y avait eu quelqu'un qui parle espagnol dans l'équipe de marketing, on aurait pu éviter cette bourde», dit Alain Samson.

Dans une économie mondialisée, l'entreprise gagnante et le clan qu'elle constitue seront composés d'employés de sexe, d'orientation sexuelle, d'âge, de religion, de capacité physique et de culture différents.

«Le clan du futur aura pour membres tous ceux qui pourront nous aider à atteindre nos objectifs et à vaincre l'adversité», dit-il.