L'humour est-il à l'épreuve de la récession? Les peuples du Moyen-Orient n'ont-ils pas autant que nous le goût de rigoler? Juste pour rire peut-il connaître un succès international aussi grand que le Cirque du Soleil?

Voilà des questions qui découlent du prêt de 10 millions de dollars consenti hier par le Fonds de solidarité à Gestion Juste pour rire, pour financer son démarchage international.«Nous ouvrons des entreprises à l'étranger. Nous mettons de notre argent, mais nous cherchons des partenaires financiers dans chacun des pays qu'on vise, des alliés locaux avec des ressources, un intérêt, une motivation et la connaissance de leur marché nécessaires pour faire de la qualité», a dit hier Gilbert Rozon, joint à Los Angeles où il passe la semaine de pourparlers «de haut niveau» pour implanter Juste pour rire aux États-Unis.

La firme montréalaise, après s'être établie à Toronto et en France, a récemment établi une tête de pont américaine à Chicago, et planifie une expansion dans d'autres régions américaines, de même qu'en Asie et au Moyen-Orient.

Le Fonds de solidarité a consenti à Gestion Juste pour rire une débenture non garantie, remboursable en sept tranches annuelles, a dit hier le premier vice-président du Fonds, Gaétan Morin, qui siégera au conseil d'administration de Gestion Juste pour rire. «Ce qui est très fort, chez Juste pour rire, c'est leur branding, leur capacité hors du commun à établir des marques très fortes. Je trouve que c'est un domaine où la plupart des industries du Québec devraient se renforcer.» Le Fonds n'exclut pas la possibilité de prendre une participation dans l'entreprise d'ici quelques années, si Gilbert Rozon décide d'ouvrir le capital de son entreprise, a dit M. Morin.

Selon M. Rozon, Gestion Juste pour rire doit adapter aux divers environnements nationaux le modèle d'affaires qui a été mis au point à Montréal. «Dans chaque pays, on vise un circuit de festivals, un autre circuit de boîtes de management d'artistes, un circuit de production d'artistes sur scène et un circuit de production de télévision... qui se nourrit des festivals», a dit M. Rozon.

Selon M. Rozon, le groupe a actuellement des revenus annuels d'environ 150 millions de dollars, dont déjà de 60% à 75% viennent de l'étranger.

Il rencontrait notamment hier après-midi le diffuseur national Turner Broadcasting System, qui est déjà son partenaire dans le Festival Juste pour rire de Chicago. «Si les astres s'alignent comme on espère, on pourrait, grâce à ce partenaire, se déployer aux États-Unis et avoir derrière nous le muscle pour le faire.»

M. Rozon dit ne pas avoir l'ambition de montrer le showbiz aux Américains: «Ils ont déjà des modèles d'affaires exceptionnels dans l'humour. Mais nous avons un savoir-faire acquis depuis 25 ans dans les festivals de stand-up comics. Dans le domaine du spectacle sur scène, avec le Cirque du Soleil, Céline Dion et d'autres, Montréal est vue ici comme un mini-Hollywood.»

Malgré la récession, M. Rozon pense que le temps est mûr pour des entreprises qui pensent hors de la boîte: «Je pense que l'humour est à l'épreuve de la récession, si on planifie bien, si on est prudent et si on a les bons partenaires. Quand ça va mal, les gens ont le goût de voir quelque chose qui les fait rire, ils n'ont pas envie d'en rajouter par-dessus quand l'économie va mal.»