L'histoire des Trudeau de Saint-Mathieu-de-Beloeil est singulière. Modeste productrice de fines herbes il y a 25 ans, cette PME est devenue un holding familial qui possède aujourd'hui 600 000 pieds carrés de serres en République dominicaine.

L'entreprise de 160 employés s'apprête maintenant à prendre d'assaut le marché nord-américain avec ses produits à valeur ajoutée. Bref, cette famille d'entrepreneurs ne fait rien comme les autres.À commencer par Gérard Trudeau et sa conjointe, Françoise, qui se sont lancés dans la production de fines herbes en 1984 alors que personne ne s'intéressait à la chose. Détail intéressant: M. Trudeau a abandonné sa carrière de fonctionnaire - il a été l'un des grands patrons de la police de Montréal dans les années 70 - afin de réaliser son rêve. Ses deux fils, Martin et Vincent, des ados à l'époque, l'ont également suivi dans cette aventure.

L'entreprise est située chemin Trudeau, sur une terre qui appartient à la famille depuis cinq générations. «Le jour où je suis parti étudier en ville, mon grand-père m'a dit: tu viens de briser la lignée. Si je suis parti, c'était pour mieux revenir», explique Gérard Trudeau, 67 ans.

Les débuts

À ses débuts, en 1984, la PME Les Fines Herbes de chez nous ne vendait que des aromates séchés: thym, romarin, basilic, etc. Ces produits ont gagné en popularité. Tellement que les grandes chaînes de supermarchés ont réclamé des fines herbes fraîches à la famille Trudeau. Et comme il fallait dorénavant produire des végétaux à l'année, l'entreprise a fait l'acquisition d'une ferme en République dominicaine vers la fin de la décennie 80.

Aujourd'hui, Les Fines Herbes de chez nous fait travailler 100 personnes en sol dominicain. À Saint-Mathieu-de-Beloeil, sur sa terre de 120 hectares, l'entreprise donne du boulot à 60 personnes à l'année, dont plusieurs Guatémaltèques, et à environ 150 personnes en période de pointe. Que les fines herbes (18 variétés au total) soient produites ici en été ou dans les Antilles le reste de l'année, tout est emballé chemin Trudeau, sous la marque maison Marvini et pour des marques privées.

Bon an, mal an, des millions de paquets de fines herbes de la PME québécoise trouvent preneurs dans les marchés d'alimentation au Québec (75% du volume d'affaires), en Ontario et dans les Maritimes. De 50 000$ en 1984, les ventes de Fines Herbes de chez nous sont aujourd'hui d'environ 10 millions.

L'histoire ne s'arrête pas là. Martin, 41 ans, et Vincent, 39 ans, les deux fils de Gérard Trudeau, viennent de fonder leur propre PME. Ils sont sur le point de donner un second souffle à l'entreprise familiale. Martin se spécialise dans la transformation des fines herbes, alors que Vincent est la «main verte» de la famille.

Les deux jeunes pères de famille ont suivi des cours ici et là mais ne possèdent pas de diplôme. Bref, ce sont deux autodidactes. «Ils ont chacun leur spécialité et, en plus, ce sont de redoutables hommes d'affaires», confie Gérard Trudeau, un homme très engagé dans le mentorat et qui, de toute évidence, semble avoir bien conseillé ses fils.

Variété de pesto

Martin Trudeau a fondé il y a un peu plus d'un an l'entreprise Rosa Secilia Gourmet. Toujours sous la marque Marvini, il fabrique sept variétés de pesto et offre un produit novateur: des aromates frais en tube. Le lancement de ces produits, vendus entre 3,99$ et 4,49$, est prévu au cours des prochaines semaines. Et pas seulement au Québec; un peu partout au Canada et aux États-Unis. Martin Trudeau vise des ventes de 20 à 25 millions d'ici quatre ans.

Rosa Secilia Gourmet emploie 16 personnes et a investi plus de quatre millionsen équipement et en R&D pour mettre au point ses produits. Le plus fou, c'est que la petite équipe a tout fait elle-même. Elle a non seulement fait le design des emballages, mais aussi mis au point les machines capables de transformer les fines herbes qui proviennent de la ferme familiale. Les termes innovation et intégration trouvent ici tout leur sens.

Vincent Trudeau, le frère cadet, qui se passionne pour l'agriculture, a lui aussi mis au point de la machinerie qui l'aide dans ses récoltes.

Des légumes prisés

Sa nouvelle entreprise, Fermes Trudeau, fondée en juin 2008, commercialise des légumes de spécialité du genre mini-bok choy, bonsaï choy, bette à carde, etc. Ces légumes, riches en vitamines, sont très prisés par les Asiatiques et les Sud-Américains. Objectif de vente: couvrir tous les marchés d'alimentation du Canada.

«Avec nos produits novateurs, on devient un centre d'intérêt pour les chaînes d'alimentation», explique Gérard Trudeau.

Il ne saurait mieux dire.