Le gouvernement Couillard avait-il le droit d'octroyer un prêt de 10 millions de dollars au groupe de presse Groupe Capitales Médias l'an dernier ? Cette question est au coeur d'un bras de fer juridique entre Québecor Média et le gouvernement. Mardi, Québec a tenté de convaincre un juge de la Cour supérieure de rejeter d'emblée la demande de Québecor Média pour invalider ce prêt « illégal ».

Le juge Kirkland Casgrain doit rendre sa décision mercredi matin au palais de justice de Montréal. Il ne se prononce pas sur le fond de l'affaire, mais seulement sur la demande en irrecevabilité de la Procureure générale du Québec visant à rejeter la demande de Québecor Média. 

Québecor Média a déposé en février dernier un pourvoi en contrôle judiciaire contre le gouvernement du Québec afin de faire annuler le décret du conseil exécutif (le conseil du ministre) ordonnant à Investissement Québec d'octroyer un prêt de 10 millions de dollars à Groupe Capitales Médias. Ce groupe de presse détient six quotidiens, dont Le Soleil, Le Quotidien et Le Nouvelliste. 

Québecor soutient que l'octroi de ce prêt est « illégal » et constitue un « abus de pouvoir » du gouvernement en vertu de l'article 19 de la Loi sur Investissement Québec qui permet au bras financier du gouvernement d'appuyer un projet présentant un « intérêt économique important » pour le Québec. Or, selon Québecor, le projet de son compétiteur ne présente « ni l'envergure, ni le potentiel, ni les retombées nécessaires » pour remplir ce critère.

« Ensuite, on allègue qu'il y a eu favoritisme envers un seul groupe de presse, alors qu'on sait qu'il y a un contexte généralisé de difficulté de la presse écrite au Québec. On juge que c'est du favoritisme flagrant », a résumé en mêlée de presse Me Julie Carlesso qui représente Québecor.

Cette demande de Québecor doit être rejetée sans même que les tribunaux étudient l'affaire sur le fond, plaide la Procureure générale du Québec (PGQ) dans sa demande en irrecevabilité. Le gouvernement était « parfaitement justifié » de considérer que le projet de transformation numérique de Groupe Capitale Médias représentait un projet économique important pour le Québec, a fait valoir l'avocat du PGQ Me Mario Normandin.

« Vous ne trouverez pas de fait [dans la demande de Québecor], sauf des jugements de valeur, des insinuations, des amalgames. Vous ne retrouverez pas des faits clairement identifiés qui permettent de supporter le syllogisme que le gouvernement, dans ce cas-ci, aurait rendu une décision déraisonnable », a plaidé Me Normandin pour conclure ses représentations.

La PGQ soutient que l'aide ponctuelle accordée au groupe de presse dirigé par Martin Cauchon s'inscrit dans un contexte où les médias éprouvent des difficultés économiques et doivent effectuer un virage numérique. De plus, 400 emplois sont menacés dans des quotidiens qui poursuivent une mission particulière en région, ajoute la PGQ.

Le grand patron de Québecor et ex-chef du Parti québécois Pierre Karl Péladeau s'est montré très critique à l'égard du prêt consenti à son compétiteur cet hiver, dénonçant sur Twitter une aide financière relevant de « l'arbitraire le plus total et du favoritisme le plus flagrant » et susceptible de créer un « précédent dangereux en démocratie ».