Les couteaux sont tirés entre Viacom et CBS dans la bataille qui les oppose au sujet de leur éventuelle fusion, souhaitée par la gestionnaire de la société de portefeuille contrôlant les deux groupes, mais refusée par le patron de CBS, Leslie Moonves.

Une série d'initiatives et de décisions judiciaires cette semaine a rendu la situation quasi inextricable et annonce une longue bataille entre les deux groupes et leurs dirigeants.

Shari Redstone, 64 ans, --qui gère National Amusements, la société qui contrôle les deux groupes-- a marqué un point jeudi avec la décision d'un juge du Delaware de rejeter une décision du Conseil d'administration de CBS (radio-télévision, édition) prise il y a quelque jours et visant à l'empêcher d'intervenir dans les délibérations menées pour évaluer les vertus d'une telle fusion par un comité spécial nommé par ce même conseil.

Cette tentative de mise à l'écart s'accompagnait de l'annonce du versement d'un dividende exceptionnel sous forme d'actions portant droits de vote qui aboutirait à une dilution de 80% à 17% du contrôle de National Amusements (NAI) sur CBS. NAI contrôle également quelque 80% de Viacom.

Si CBS a néanmoins procédé jeudi au versement de ce dividende, NAI a immédiatement rejeté cette décision et a rappelé qu'il avait décidé la veille, en tant qu'actionnaire majoritaire, de soumettre un tel vote a une «super-majorité» des voix au sein du Conseil d'administration.

«À la lumière du vote du Conseil aujourd'hui (jeudi) cette action se révèle nécessaire et elle est valide», a affirmé NAI dans un communiqué jeudi soir.

CBS estime qu'une fusion avec Viacom selon les termes proposés par NAI léserait les actionnaires de CBS.

Leslie Moonves, 68 ans, craint aussi de se retrouver écarté. Il reproche également à Shari Redstone d'avoir fait échouer une possible fusion avec l'opérateur de télécommunication Verizon qui, estime-t-il, aurait été plus intéressante pour ses actionnaires.

Une fusion entre CBS et Viacom reconstituerait une entité qui existait jusqu'en 2006, jusqu'à ce que Sumner Redstone, le père de Shari aujourd'hui âgé de 94 ans, ne décide de les séparer.

CBS possède les stations de radio et de télévision éponymes ainsi que Ten Australia, Showtime, et la maison d'édition Simon & Schuster. Viacom contrôle, entre autres, les studios de cinéma Paramount et les chaînes MTV et Nickelodeon.

Choc de personnalités

La bataille se livre sur fond de transformation radicale du paysage audiovisuel américain. Les acteurs «traditionnels», (télévisions, studios, câblo-opérateurs) doivent affronter la concurrence des géants de l'internet (Google, Facebook, Apple, Netflix...) et cherchent à se regrouper pour associer contenus et réseaux.

Si une fusion entre CBS et Viacom peut faire sens dans ce contexte, elle est toutefois menacée par le conflit de personnalités entre Shari Redstone et Leslie Moonves. Si ce dernier a pour lui une grande expérience des groupes de média et de leur gestion, la première a pour elle une opiniâtreté certaine et, surtout, le rôle d'actionnaire majoritaire qu'elle exerce au nom de son père.

Celui-ci, l'un des grands noms de Hollywood, n'a plus été vu en public depuis plusieurs mois et avait déjà été mis sur la touche par sa fille lorsqu'elle avait écarté, fin 2016, le PDG de Viacom, Philippe Dauman, au terme d'une rude bataille.

«Nous ne pensons pas que Leslie Moonves pourra garder un rôle dans la nouvelle entité» qui naîtrait d'une fusion entre Viacom et CBS, a souligné Richard Greenfield, analyste chez BTIG, dans une note.

L'agence de notation financière S&P Global Ratings s'inquiète, elle, des conséquences de cette bataille d'actionnaires sur la santé financière de CBS. Elle a placé jeudi sous perspective négative la note «BBB» du groupe en prévenant que, si NAI parvenait à ses fins et que la direction actuelle de CBS se retrouvait écartée, elle pourrait l'abaisser de plusieurs crans.

Ces inquiétudes se sont reflétées jeudi dans le cours de l'action CBS qui a perdu 4,12% à 51,61 dollars à Wall Street alors que Viacom a limité son recul à 0,39% à 28,16 dollars.