Le débat sur la réglementation de Netflix en matière de contenu canadien se poursuivra devant les tribunaux.

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) déposera cette semaine une requête à la Cour d'appel fédérale afin de forcer le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à étudier la question et rendre une nouvelle décision sur l'ordonnance d'exemption dont bénéficient les médias numériques depuis 1999. En vertu de cette ordonnance d'exemption renouvelée en 2009, les médias numériques peuvent opérer sans être obligés de diffuser du contenu canadien et de financer la production canadienne.

En février dernier, le SCFP a déposé une demande formelle au CRTC afin de mettre fin à cette ordonnance d'exemption et d'imposer des conditions de licence aux médias numériques comme Netflix, le Club illico (Vidéotron), CraveTV (Bell Média) et ICI Tou.tv (Radio-Canada). 

Au début mars, le CRTC a rejeté par lettre d'un haut fonctionnaire la demande du syndicat sans tenir de consultation. Or, le syndicat fait valoir que la Loi sur la radiodiffusion et les règles du CRTC ne lui donnent pas le choix : l'organisme réglementaire est tenu d'afficher la requête, de tenir une consultation et de rendre une décision formelle par le truchement de ses conseillers nommés par Ottawa.

« Il y a toutes les apparences que le CRTC veut se défiler de prendre une décision alors que les conseillers du CRTC ont la capacité de prendre une [telle] décision », a expliqué Denis Bolduc, président du SCFP-Québec, en entrevue à La Presse.

Sur le fond, le SCFP estime que le CRTC doit imposer des conditions de licence aux médias numériques en matière de contenu canadien et de financement de la production canadienne, comme l'organisme réglementaire le fait pour les chaînes de télé et les distributeurs télé. « Ce n'est pas une taxe Netflix, c'est de traiter les entreprises dans le milieu des médias et de la culture de façon équitable, dit Denis Bolduc, président du SCFP-Québec. Peut-être que Netflix travaillait dans un contexte différent il y a 10 ans, mais aujourd'hui, le CRTC doit constater que c'est un joueur important dans le monde, au Canada et au Québec. »

Un rapport demandé par Ottawa

Le CRTC a rejeté la demande du SCFP au motif que la question de l'ordonnance d'exemption des médias numériques est déjà débattue dans le cadre d'une autre consultation demandée par le gouvernement Trudeau sur les modèles de distribution de programmation de l'avenir. « Il ne semble donc pas approprié pour le [CRTC] d'initier une instance publique distincte pour considérer votre demande. Conséquemment, votre demande ne sera pas traitée », écrit un haut fonctionnaire du CRTC dans une lettre au SCFP.

Le CRTC doit produire un rapport consultatif au gouvernement Trudeau - qui veut réviser la Loi sur la radiodiffusion - , alors que le SCFP demandait d'enclencher un processus d'examen qui aurait directement mené à des changements réglementaires.

Le SCFP estime avoir été traité « de façon inéquitable » et que cette « pratique irrégulière » contrevient aux propres règles de l'organisme et « soulève aussi un grave problème d'équité procédurale, et plus largement, d'application de la règle de droit », indique-t-il dans sa dernière lettre au CRTC. Le syndicat donnait jusqu'à jeudi dernier pour commencer le processus officiel d'examen en affichant la requête, mais la requête n'a pas été affichée.

Le syndicat entend ainsi déposer cette semaine une requête en mandamus à la Cour d'appel fédérale. « On aurait préféré de loin que le CTRC constate par lui-même qu'il a l'obligation de procéder, mais c'est un dossier qui nous tient à coeur », dit Denis Bolduc.

«Ça marche très bien»

Lors d'une entrevue à La Presse en novembre dernier, le nouveau président du CRTC, Ian Scott, expliquait qu'il n'était pas nécessaire de modifier la réglementation des médias numériques. « Ça marche très bien parce que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion sont atteints : il y a une industrie en santé et qui a du succès dans les deux langues officielles. Nous observons que le système n'est pas brisé, même s'il est sous une pression sévère », disait M. Scott.

L'Association québécoise de production médiatique (AQPM), l'organisme qui regroupe les producteurs au Québec, ainsi que l'Alliance québécoise des techniciens et techniciennes de l'image et du son ont appuyé la demande du SCFP, un syndicat affilié à la FTQ qui représente 7500 membres du secteur des communications au Québec.

Le CRTC n'a pas commenté hier la requête du SCFP, indiquant que la dernière lettre du SCFP était « sous analyse ».