Quatre mois après avoir changé de grand patron, refinancé sa dette et abaissé certaines cibles financières, Pages Jaunes élimine 500 postes - environ 18% de son effectif - dans ce qui pourrait être l'un de ses ultimes efforts pour continuer à rivaliser avec des géants numériques.

Effectifs immédiatement, ces licenciements annoncés mardi s'ajoutent aux 300 annoncés en octobre 2015 et touchent l'ensemble des secteurs de l'entreprise montréalaise ainsi que tous ses bureaux au pays.

«Les décisions qui ont une incidence importante sur nos employés sont difficiles, mais absolument essentielles pour assurer la santé à court terme de la société», a indiqué mardi le président et chef de la direction de Pages Jaunes, David Eckert.

Nommé en septembre dernier en remplacement de Julien Billot, qui s'était fait montrer la porte au cours de l'été, M. Eckert n'était pas disponible pour accorder des entrevues.

Dans son communiqué, ce dernier explique que cette nouvelle restructuration, qui se traduira par l'inscription d'une charge de 17 millions au premier trimestre, est le résultat d'une «analyse approfondie» des dépenses.

Selon le professeur titulaire au département de management à HEC Montréal Louis Hebert, deux scénarios s'offrent maintenant à Pages Jaunes: un redressement pour «se donner du temps et penser à une nouvelle stratégie» ou un redressement permettant à la société de se «refaire une beauté» dans le but d'attirer un acquéreur.

«L'autre option est une dégradation progressive de la situation financière qui résultera en une faillite ou une vente de feu, a-t-il expliqué au cours d'une entrevue téléphonique. On n'est pas loin de la dernière chance.»

Selon M. Hébert, la situation dans laquelle se retrouve Pages Jaunes est le résultat d'une transition numérique «drastique», «très risquée» et qui n'est pas toujours couronnée de succès.

L'entreprise n'a pas vu ses revenus croître depuis 2008. Elle génère la majorité de son chiffre d'affaires grâce à ses activités numériques, mais cela n'est pas suffisant pour contrebalancer le déclin du côté du secteur imprimé.

En plus de l'annuaire imprimé Pages Jaunes, la société est propriétaire des marques numériques RedFlagDeals.com, Canada411.ca, 411.ca, Bookenda.com, DuProprio.com et ComFree.com.

Selon M. Hébert, il n'y a pas que le modèle d'affaires qui a changé, mais également les concurrents.

«Les rivaux sont désormais Facebook, Google et Amazon, a-t-il analysé. C'est un autre match. Pages Jaunes n'a peut-être pas les ressources et les compétences pour rivaliser directement avec ces géants.»

Bien qu'il soit possible que la compagnie puisse se repositionner, elle n'a pratiquement plus droit à l'erreur, a souligné le professeur à HEC Montréal, ajoutant que le fardeau de la preuve reposera sur les dirigeants actuels.

Toutes les options

En novembre, M. Eckert, qui se présente comme un spécialiste du redressement, avait affirmé que toutes les options, y compris la vente de certaines activités, étaient étudiées afin de relancer la compagnie.

«Tout est sur la table», a confirmé une porte-parole de Pages Jaunes, Joëlle Langevin, au cours d'un entretien téléphonique, ajoutant que d'autres mesures pourraient être annoncées.

Au troisième trimestre terminé le 30 septembre, la société avait enregistré une perte de 4,4 millions, ou 17 cents par action, alors que son chiffre d'affaires avait fléchi de 9,8%, à 181,4 millions. Un recul avait même été observé du côté des recettes numériques, qui avaient été de 132,8 millions, en baisse de 4,2% sur un an

À court terme, l'analyste Vahan Ajamian, de Beacon Securities, croit que les investisseurs seront encouragés par l'approche du «gros bon sens» au chapitre des dépenses adoptée par M. Eckert depuis sa nomination.

En après-midi, à la Bourse de Toronto, l'action de Pages Jaunes cotait à 8,32 $, en hausse de 11 cents ou 1,4%.

Selon M. Ajamian, Pages Jaunes pourrait bien décider de se délester d'activités qui ne sont pas jugées essentielles.

«Cela pourrait figurer dans le mandat du nouveau dirigeant, a expliqué M. Ajamian au cours d'un entretien téléphonique. Il y a  définitivement eu des discussions pour vendre certaines acquisitions réalisées ou l'entreprise dans son ensemble.»

Pas de subvention

En 2016, le gouvernement Couillard avait consenti une subvention de 4,3 millions alors que Pages Jaunes comptait investir 155 millions à Montréal et créer 350 emplois.

L'entreprise dit avoir complété l'investissement et réaliser les embauches, sans avoir reçu, pour le moment, la subvention destinée à la formation du personnel et au rehaussement des compétences numériques.

À la suite des 500 licenciements annoncés, Québec dit être en contact avec Pages Jaunes à propos des modalités entourant le coup de pouce financier annoncé il y a presque deux ans.

«Ce projet était assorti d'obligations en matière de maintien et de création d'emplois, a indiqué Gabrielle Tellier, l'attachée de presse de la ministre de l'Économie, Dominique Anglade. Des vérifications sont en cours.»