Quelles sont les premières causes de désabonnement à l'Opéra de Montréal? La maladie et le décès! Avec un âge moyen des abonnés de plus de 55 ans, l'institution doit se tourner vers les jeunes spectateurs potentiels. Pour séduire la clientèle, elle nous a habitués, ces dernières années, à des campagnes publicitaires léchées (Les visages, la campagne de la saison 2011-2012 signée Orangetango est d'ailleurs lauréate d'un prix Grafika). Mais il faut plus pour assurer sa pérennité.

Le moment est opportun, car l'Opéra de Montréal se relève. De 2006 à 2012, l'institution a été en mode survie. Pas qu'elle n'intéressait plus. Mais un déficit de 2,2 millions de dollars sur un budget annuel de 7 millions freinait ses élans artistiques et marketing. «On fermait ou on faisait un plan de redressement radical, explique Pierre Vachon, directeur, communications, projets spéciaux et éducation de l'Opéra de Montréal. On a éliminé 50% du personnel et une production dans la saison. Si on fermait, c'était terrible pour les abonnés. Ils nous auraient oubliés. On a éradiqué le déficit en deux ans. Six ans plus tard, on reprend le développement. On a besoin de structurer une stratégie marketing. Il nous faut un modèle d'affaires. Il faut être à l'écoute du marché qui est changeant depuis cinq ans.»

Cela dit, l'Opéra de Montréal a tenu solidement les rênes pendant les années difficiles. Il s'est attaqué à l'érosion du nombre d'abonnés en ciblant les 18-30 ans notamment et en rendant plus flexibles les abonnements. Il a également planifié, à la veille de chaque nouveau spectacle, des coups publicitaires événementiels là où on s'attend le moins à entendre de l'opéra. «Car l'opéra, c'est l'extravagance et l'étonnement», lance Pierre Vachon. Résultat: depuis la saison 2009-2010, l'institution compte 1180 abonnements chez les 18-30 ans (une hausse de 45%).

Maintenant, retour à la case départ: les saisons comptent désormais cinq productions. La direction souhaite aussi faire passer le taux d'assistance moyen à près de 80%. «C'est ambitieux, avoue Guillaume Thérien, directeur, ventes et marketing de l'Opéra de Montréal. Selon l'Observatoire de la culture et des communications, la moyenne d'occupation en culture est de 72,5%. Pour la musique classique et l'opéra, c'est 63%. Mais pour l'an prochain, je peux faire le marketing que je veux, car j'aurai cinq oeuvres fortes et diversifiées.»

L'Opéra de Montréal est à la croisée des chemins. On compte sur la jeunesse du nouveau directeur (29 ans) pour pousser la stratégie marketing à un autre niveau. «Guillaume n'est pas vraiment un maniaque d'opéra, dit Pierre Vachon. Professionnellement, il n'est pas issu du milieu culturel. On ne voulait pas un passionné d'opéra pour qu'il reste objectif.»

Dès son entrée en poste, celui-ci a analysé la base de données des abonnés, acheteurs de billets uniques et gens intéressés par l'opéra. L'institution a dégagé sept profils types: les fortunés (revenus familiaux de 76 000$), baby-boomers, retraités (60 ans et plus, hauts fonctionnaires, éduqués), multiculturels (deuxième génération, Européens, Sud-Américains intéressés par ce qui est international), nomades, branchés et milieux cossus (18-30 ans, multiculturels, banlieusards hip, nouveaux proprios, très épicuriens). «Ces sept groupes représentent 30% de la population, mais ils constituent 70% de notre base de données, explique Guillaume Thérien. Il faut donc leur parler de façon personnalisée.»

L'Opéra de Montréal a longtemps compté sur le marketing transactionnel et ponctuel. «Généralement, on pense d'abord à sortir de l'argent des poches de la clientèle, explique Guillaume Thérien. Maintenant, il faut mettre de la valeur dans ses poches. Il faut engager un dialogue. Actuellement, on est présent en pub pendant une production et on s'en va. On doit continuer d'être en relation avec tout le monde. J'aime les campagnes de pub, mais je vois qu'on peut approfondir. Je veux développer le marketing et arrimer l'Opéra de Montréal à d'autres milieux compte tenu de la compétition en 2012.»

Le 26 décembre dernier, par exemple, l'Opéra de Montréal a fait une offre sur le site d'offres groupées LeRenard.ca. «On a atteint à 70% notre objectif de vente», affirme Pierre Vachon.

«Récemment, lors d'un sondage, pour avoir un haut taux de réponse, nous avons offert trois chèques-cadeaux de 25$ à partager avec les amis des répondants, raconte aussi Guillaume Thérien. Jusqu'à présent, 1% s'est prévalu de son certificat, ce qui est élevé, pour des billets de 50$ à 140$.

«Dès fois, ce n'est pas nous le meilleur porteur de ballon, ajoute

M. Thérien. Il faut faire passer le client d'acheteur à ambassadeur. On va donc lui offrir du contenu à partager. Avec les médias traditionnels, c'est plus difficile de voir les retombées. Ça influence les plus vieux, alors que le bouche-à-oreille influence beaucoup les jeunes. Je veux qu'on dépende moins des médias traditionnels. Cela dit, notre image de marque va toujours être audacieuse.»

L'Opéra de Montréal souhaite aussi cibler les PME. «Dans ce cas-ci, on veut miser sur l'expérience, explique Pierre Vachon. Cocktail, repas dans l'atelier de costumes avec le chef du Toqué! Normand Laprise et spectacle, par exemple. Selon un sondage, les gens ne vont pas à l'opéra comme sortie régulière. On peut donc miser sur cette singularité.»

L'Opéra de Montréal veut ouvertement plaire à tous. «On est en mode éducation, ajoute M, Vachon. On multiplie les portes d'accès. Le but ultime, c'est que tout le monde vienne à l'opéra, pour démocratiser cette sortie.»

L'Opéra de Montréal est à la croisée des chemins. On compte sur la jeunesse du nouveau directeur

(29 ans) pour pousser la stratégie marketing à un autre niveau.