D'aucuns s'étonneront peut-être de l'ascension spectaculaire de David et Victoria Beckham au rang d'un des cinq plus riches couples d'Hollywood et voudront en connaître les causes. Nos recherches suggèrent qu'une réussite d'une telle ampleur repose essentiellement sur deux piliers.

La performance et la notoriété professionnelle des deux acteurs, d'une part, et la création d'une «marque familiale»: les Beckham, considérés par certains comme «le plus grand produit d'exportation britannique depuis les Beatles» (Morton), d'autre part.

Au terme d'une étude de cas recensant plus de 2500 pages de données d'archives sur la célèbre famille, deux conclusions se sont imposées à nous: pour connaître le succès, une marque familiale, c'est-à-dire une marque qui, dans l'esprit du consommateur, est associée à des individus plutôt qu'à des produits, doit souscrire à des pratiques qui favorisent sa distinction et sa visibilité.

Pour atteindre ce but, la marque familiale s'efforcera de construire un récit biographique dont les éléments seront susceptibles d'éveiller l'intérêt du public cible et des médias. Ainsi, le vif intérêt du couple pour la mode et son profond attachement aux valeurs familiales traditionnelles procureront à la marque familiale Beckham son sceau d'exclusivité.

À ce titre, David incarnera un nouveau type de masculinité, à la fois viril et soucieux de son apparence, n'hésitant pas à s'afficher avec des coupes de cheveux d'allure «métrosexuelle» (évoquant l'homme urbain soucieux de son apparence) et les noms de ses enfants brodés sur ses chaussures à crampons.

Pour sa part, Victoria, dont la passion pour le design de mode se manifestait déjà à l'époque des Spice Girls, s'imposera désormais comme l'archétype de la «mère au travail», mais d'une mère qui se distingue, et par son souci d'élégance (une élégance qui s'accommode sans complexe du port de talons vertigineux et de vêtements révélateurs), et par son habileté à jongler avec les contraintes du monde des affaires et les obligations non moins impérieuses de la vie de famille.

En outre, le couple a toujours réfuté avec la dernière énergie les allégations d'infidélité conjugales proférées à l'endroit de David. Enfin dans un milieu où le divorce et les scandales sont presque de rigueur, les Beckham affichent une feuille de route exemplaire: 12 années de vie matrimoniale et quatre enfants, et ceci dans le cadre d'une activité professionnelle intense.

Documentaires, entrevues et apparitions à la télévision seront mis à contribution par les marketeurs et les entrepreneurs dans le but d'accroître la visibilité de la marque familiale auprès du grand public.

À titre d'exemples, deux documentaires seront consacrés aux dispositions que prendront les parents lors des déménagements de la famille en Espagne et à Hollywood pour faciliter l'intégration des enfants dans leurs nouveaux milieux. À cela s'ajouteront des entrevues à des talk-shows qui jouissent d'une audience considérable, tel Larry King Live, entrevues dont l'objectif est de satisfaire l'appétit du public pour les facettes plus intimes du couple et les dessous de la vie familiale.

En outre, de brèves apparitions dans le cadre d'émissions pour enfants comme Sesame Street auront elles aussi comme objectif de renforcer l'image «familiale» du couple et donc de sa marque.

Enfin, ne laissant rien au hasard, les Beckham sauront utiliser au profit de leur marque les médias sociaux Facebook et Twitter, dont ils gardent cette fois-ci le contrôle intégral. Ces plateformes serviront de source exclusive d'information sur les événements touchant la vie familiale, par exemple la photo de leur nouveau-né dans les bras de David partagée sur Twitter l'été dernier.

Bref, si on a longtemps pensé qu'une marque familiale possédait un avantage concurrentiel grâce à ses origines «familiales» généralement appréciées des consommateurs, il n'en reste pas moins que dans un marché économique difficile et compétitif (près de 50% des entreprises canadiennes privées sont des entreprises familiales), une marque qui saura à la fois développer le caractère distinctif de la biographie et de la personnalité de ses acteurs, tout en s'assurant une visibilité dans les médias susceptibles de rejoindre son marché cible et d'intéresser les leaders d'opinion, aura davantage de chance d'assurer sa pérennité.

Enfin, ici même au Québec, les pratiques qui favorisent la distinction d'une marque familiale et sa visibilité pourraient inspirer ces familles d'entrepreneurs qui ont donné naissance aux Cascades, Jacob et autres Première Moisson de manière à leur assurer une place de choix dans l'imaginaire des consommateurs québécois.

Marie-Agnès Parmentier est professeure de marketing à HEC Montréal et auteure de When David Met Victoria: Forging a Strong Family Brand, dans Family Business Review (disponible à: https://fbr.sagepub.com/content/24/3/217.full.pdf"html)