La volatilité présente des marchés financiers accentue les pressions sur les taux d'intérêt obligataires nord-américains qui sont à la baisse depuis le début de l'année, au grand bonheur des grands emprunteurs.

Cette semaine, le taux sur les obligations américaines de 30 ans est passé sous la barre des 3%, celui des canadiennes, sous les 2,5%.

Les taux sont aussi à la baisse pour les obligations de 10 ans, l'échéance la plus fréquente sur les marchés.

Pour les canadiennes, le rendement consenti aux prêteurs est inférieur à 2%. Comme le taux d'inflation est de 2,1% au Canada, cela signifie que des prêteurs avancent de l'argent à Ottawa même avec un rendement réel négatif.

Dit de façon plus brutale, Ottawa se fait payer pour emprunter!

Hier, il n'a d'ailleurs eu aucune difficulté à trouver preneur pour un emprunt de 2,5 milliards. Si l'obligation venant à échéance en juin 2025 porte un coupon de 2,25%, les coûts d'emprunt se sont révélés bien plus faibles. La demande était si forte que chaque tranche de 100$ s'est vendue 102,699$. Résultat, le taux final consenti est de 1,967% seulement.

La forte demande pour les obligations canadiennes, une des rares dans le monde encore notée triple A par les agences de crédit, profite aussi aux provinces dont les coûts d'emprunt sont établis en fonction des taux des obligations canadiennes de même échéance, auxquels s'ajoute une prime.

Sans être aussi grand qu'en 2010, 2011 ou 2012, l'attrait pour la dette des émetteurs canadiens déborde sur les marchés étrangers.

Ainsi, la semaine dernière, Québec est parvenu à emprunter 1,6 milliard US pendant 10 ans à un taux semblable à celui qu'il aurait dû consentir sur le marché canadien où il émet en général des tranches d'obligations de 500 millions.

Grâce à ce succès bien préparé, la province a complété plus des deux tiers de son programme d'emprunts pour l'exercice en cours. La baisse des coûts d'emprunt diminue son service de la dette, le plus élevé de toutes les provinces.

Comme ce service est le troisième poste de dépenses, après la santé et l'éducation, sa croissance moins rapide que prévu facilite l'atteinte de la cible budgétaire pour l'exercice en cours et peut-être aussi le prochain, si le marché obligataire ne se normalise pas trop vite.

Une normalisation qui se fait attendre

Les taux obligataires s'étaient brusquement remis à grimper au printemps de 2013 quand le président de la Réserve fédérale américaine, Ben S. Bernanke, avait suggéré en conférence de presse que le rythme de la troisième ronde de détente quantitative (DQ3) allait commencer à ralentir dès l'automne suivant.

Cette menace de sevrage d'argent facile avait créé une petite panique chez les investisseurs et les spéculateurs. Prudente, la Fed avait alors choisi de reporter en fin d'année le début du ralentissement de la DQ3.

Lancée en décembre 2012, la DQ3 consistait à acheter au rythme de 45 milliards par mois des obligations à moyen et long termes du Trésor américain et de 40 milliards des titres adossés à des créances hypothécaires. Son ralentissement progressif a commencé un an plus tard à coups de 10 milliards et sera complété par l'élimination de la dernière tranche de 15 milliards, le 29 octobre.

La DQ3, qui tire à sa fin, est un assouplissement monétaire non orthodoxe, préalable à une première hausse du taux directeur américain, attendue au printemps ou à l'été prochain. Le taux directeur évolue dans une fourchette de 0 à 0,25% depuis décembre 2008.

En temps normal (mais cela existe-t-il depuis la crise financière?), les taux obligataires auraient dû commencer à augmenter, comme c'est le cas lorsqu'une banque centrale amorce un resserrement monétaire. Cette fois-ci toutefois, ce resserrement américain prochain coïncide avec la détente sans précédent pratiquée par la Banque centrale européenne pour sortir l'économie de la zone euro de son inquiétante léthargie. Cette détente de moins en moins orthodoxe annihile jusqu'ici la remontée, même ténue, qu'on aurait dû observer sur les taux obligataires nord-américains.