Face à l'escalade des tensions entre les États-Unis et la Chine, la directrice générale du FMI a proposé «une plateforme pour dialoguer» et éviter ainsi une guerre commerciale qui serait préjudiciable à l'économie mondiale toute entière.

«Les pays devraient travailler ensemble pour résoudre leurs différends sans avoir recours à des mesures exceptionnelles», en d'autres termes à des mesures unilatérales, a déclaré jeudi Christine Lagarde alors que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le G20 entamaient leurs réunions de printemps.

«Dans tous ces efforts, nous - au sein du FMI - [...] proposons une plateforme pour le dialogue et pour une meilleure coopération», a-t-elle ajouté, martelant que les gouvernements devaient «se tenir à l'écart de toutes mesures protectionnistes».

«Le commerce ne fait pas partie des compétences du FMI mais celui-ci s'en empare pour mentionner les risques qui pèsent sur la croissance mondiale», a réagi une source européenne.

«Mon sentiment est que, petit à petit, la conscience des dégâts d'une guerre commerciale apparaît et que le dialogue reprend. Je souhaite que ces réunions du FMI soient marquées par cet esprit», a réagi auprès de l'AFP le commissaire européen Pierre Moscovici.

Il a en outre estimé que du côte américain, le climat était «plus réceptif à l'idée que le protectionnisme n'est pas la solution». «Nous allons continuer de le dire et à le montrer», a-t-il ajouté.

Après avoir progressé de 3,8% en 2017, le produit intérieur brut (PIB) mondial devrait accélérer à 3,9% en 2018 et en 2019, soit un rythme inchangé par rapport aux précédentes prévisions de janvier, avait mardi annoncé le FMI.

Près de dix ans après le début de la récession mondiale, l'économie de la planète évolue dans une bonne dynamique grâce, en particulier, aux échanges de biens et de services dont le volume devrait s'accroître de 5,1% cette année après 4,9% en 2017.

Mais ce sont ces mêmes échanges commerciaux qui pourraient assombrir plus vite que prévu l'économie de la planète.

Interconnexion

Le président américain Donald Trump, qui continue de brandir son slogan «America First» («L'Amérique d'abord»), multiplie en effet les annonces de mesures protectionnistes, pour défendre entreprises et travailleurs américains, quitte à mettre des coups de canif dans le libre-échange avec ses principaux partenaires commerciaux.

Après avoir imposé le 8 mars des droits de douane de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium, l'administration Trump a dressé une liste provisoire de produits chinois représentant 50 milliards d'importations susceptibles d'être soumis à leur tour à de nouvelles taxes américaines pour compenser des pratiques commerciales jugées «déloyales».

À Washington qui l'accuse d'imposer un «transfert forcé de technologies américaines» et de «vol de propriété intellectuelle», le géant asiatique a répliqué avec des représailles dans des proportions identiques visant les produits américains, ce qui a poussé Donald Trump à surenchérir en menaçant de viser pour 150 milliards de dollars d'importations chinoises.

Le président américain menace par ailleurs toujours de sortir de l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui lie les États-Unis au Canada et au Mexique depuis 1994, si celui-ci n'était pas renégocié de manière satisfaisante.

«Les investissements et le commerce sont deux moteurs cruciaux qui sont enfin en train de se redresser», a rappelé Christine Lagarde.

Et une guerre commerciale ne serait pas «seulement dommageable pour deux pays», les États-Unis et la Chine, elle affecterait tous les pays parce que tout est «interconnecté», a-t-elle martelé, relevant des liens régionaux, interrégionaux, intercontinentaux.

La responsable de l'institution de Washington a également estimé qu'il revenait à chaque pays de prendre des mesures pour réduire les barrières douanières.

Le commerce au menu de Macron et Trump

Cette politique protectionniste risque de «miner la confiance» et de «faire dérailler prématurément la croissance mondiale», avait prévenu mardi le chef économiste du FMI, Maurice Obstfeld.

Le libre-échange a non seulement contribué à une solide expansion des économies avancées mais a aussi permis aux pays émergents et aux pays pauvres «de faire d'incroyables avancées en matière d'éradication de la pauvreté», avait-il également argué.

Jeudi, le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a lui aussi estimé qu'une guerre commerciale est «une menace lourde» pour la croissance.

«La guerre commerciale, ça veut dire des tarifs douaniers qui augmentent, ça veut dire des prix plus chers pour produire, ça veut dire une croissance qui ralentit, ça veut dire moins d'emplois, ça c'est un risque majeur», a-t-il réagi sur RMC et BFMTV.

Le sujet sera abordé par les autorités françaises «la semaine prochaine» avec Washington, lors de la visite d'État d'Emmanuel Macron aux États-Unis, a-t-il également souligné.

Les réunions des ministres du G20 à Washington, qui démarreront jeudi par un dîner de travail, «se focaliseront sur les vulnérabilités de l'économie mondiale», a par ailleurs indiqué le ministère français de l'Économie.

Outre les conflits commerciaux, le FMI a dressé une myriade de risques potentiels allant du vieillissement de la population dans les pays développés à l'endettement mondial record (164 000 milliards de dollars en 2016 soit près de 225% du PIB mondial).