À l'ère de la course à l'innovation, un ambitieux projet à l'autre bout du monde attire l'attention de beaucoup de gens ces temps-ci.

La Chine teste actuellement une nouvelle autoroute « high-tech » qui, grâce à ses panneaux solaires incrustés dans un pavé transparent, pourra bientôt conduire et recharger une voiture électrique filant à toute allure... tout en produisant assez d'électricité pour alimenter des centaines de maisons.

Cet essai est en cours sur un petit tronçon de route d'un kilomètre environ, dans la région de Jinan (est du pays), rapporte l'agence Bloomberg. L'entreprise qui pilote le projet, Yet Qilu Transportation, voit grand : elle veut non seulement produire de l'énergie propre, mais aussi construire des routes « intelligentes » partout en Chine.

Des expériences similaires, mais pas nécessairement aussi avancées sur le plan technologique, sont en cours en France et aux Pays-Bas, faut-il souligner. Il reste que l'« autoroute 2.0 » de Jinan pourrait finalement changer la perception de ceux qui voient encore la Chine comme un fabricant de « bébelles cheap bon marché ».

Leader mondial des brevets

La réalité de la Chine d'aujourd'hui est en effet bien différente.

L'empire du Milieu a d'ailleurs dévoilé son jeu dans le plan « Made in China 2025 », présenté au monde entier par le président Xi Jinping il y a trois ans. Son objectif principal : faire de la Chine un géant industriel en devenant le leader mondial des technologies.

Or, Pékin est en voie d'atteindre son but, nous dit l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Les dépôts de demandes de brevet dans le monde ont atteint un record en 2016, selon les plus récents chiffres de l'OMPI. Et les Chinois font un malheur dans le domaine.

Il émane désormais autant de demandes de brevet de Chine que des États-Unis, du Japon, de la Corée du Sud et de l'Office européen des brevets... réunis.

Les innovateurs du monde ont déposé 3,1 millions de demandes de brevet, soit une hausse annuelle de 8,3 %.

L'Office de la propriété intellectuelle en Chine (SIPO), à lui seul, en a reçu 1,3 million. Il était suivi par les offices des États-Unis (USPTO, 605 571), du Japon (JPO, 318 381), de la Corée du Sud (KIPO, 208 830) et de l'Europe (OEB, 159 358).

Chez nous, Innovation Science et Développement économique du Canada évalue que les innovateurs canadiens font de 35 000 à 37 300 demandes de brevet par an depuis 2012.

Cap sur les secteurs de pointe

Dans « Made in China 2025 », la Chine a ciblé 10 secteurs à haute teneur technologique.

Parmi eux, l'aéronautique, les technologies de l'information, les voitures électriques, les robots et l'intelligence artificielle. Des progrès énormes ont déjà été réalisés dans ces domaines.

Les Chinois sont déjà, et de loin, les plus grands fabricants de panneaux solaires et de voitures électriques du monde.

Et à titre d'exemple, la Chine a produit près de la moitié (47 %) de tous les véhicules électriques vendus dans le monde en 2017, d'après Plug Technica.

Si bien que, selon la Banque asiatique de développement, la Chine a déjà dépassé en 2014 le Japon et la Corée du Sud en tant qu'exportateur de technologies en Asie. La part de la Chine des exportations asiatiques « high-tech » est passée à 43,7 %, contre seulement 9,4 % en 2000.

L'avancée chinoise est à tous points de vue remarquable, en conviennent les experts.

« Les derniers chiffres [...] confirment une tendance observée depuis 10 ans, selon laquelle les progrès de la Chine laissent de plus en plus leur empreinte » sur le marché mondial, affirme dans son plus récent rapport annuel le directeur général de l'OMPI, Francis Gurry. « La Chine est de plus en plus parmi les pays les mieux classés en matière d'innovation. »

Pour le moment, les États-Unis conservent leur avance sur la concurrence.

Sur les 11,8 millions de brevets en vigueur dans le monde, 2,8 millions appartiennent aux Américains, comparativement à 2 millions pour les Japonais et 1,8 million pour les Chinois. Mais si la tendance se maintient, il y aura bientôt un nouveau leader au sommet de ce palmarès convoité.

Google, Apple ou Facebook ne sont donc plus seuls. Les dragons chinois Baidu, Alibaba et Tencent sont des concurrents de haut niveau qui pourraient bien, un jour, leur damer le pion. Le japonais Sony et le coréen Samsung en savent quelque chose, eux qui ont déjà concédé beaucoup de terrain aux chinois Hisens et Haier.

Donald Trump peut bien menacer la Chine de taxer ses produits importés aux États-Unis. Et il a beau se plaindre du vol de propriété intellectuelle par les entreprises chinoises. L'ascension rapide de son rival asiatique dans l'arène technologique semble irréversible.