L'administration Trump fait monter la pression sur le Canada et le Mexique pour obtenir une avancée concrète dans la renégociation de leur accord de libre-échange ALENA au moment où les tensions commerciales malmènent Wall Street.

«Nous avons fait beaucoup de progrès», a affirmé le ministre mexicain de l'Économie, Ildefonso Guajardo, à une radio locale mexicaine alors que le président américain menace de nouveau depuis dimanche de sortir de ce traité si le Mexique n'arrête pas la «caravane» d'un millier de migrants d'Amérique centrale déterminés à entrer aux États-Unis via la frontière avec le Mexique.

«Il semblerait qu'il y ait une volonté de faire preuve de flexibilité sur les différends complexes», a expliqué le ministre mexicain sans mentionner la rhétorique agressive de Donald Trump.

Le président américain a qualifié de «vache à lait» pour le Mexique le traité de libre-échange nord-américain (ALENA), en vigueur depuis 1994.

«L'ALENA est un accord phénoménal pour le Mexique, c'est un accord horrible pour les États-Unis», a-t-il en outre déclaré mardi lors d'une conférence de presse, dénonçant le déficit commercial colossal avec Mexico (plus de 71 milliards de dollars en 2017).

Sommet des Amériques

Ildefonso Guajardo a, lui, observé qu'il y avait «sans aucun doute» une opportunité d'envoyer des signaux forts au Sommet des Amériques, qui se tiendra au Pérou les 13 et 14 avril, indépendamment du travail technique qu'il reste à faire jusqu'à un éventuel nouvel ALENA renégocié.

Il a également évoqué la possibilité d'élaborer «des lignes de principe pour résoudre les points complexes et litigieux» dans les 12 jours.

Le calendrier presse alors que le Mexique doit tenir des élections présidentielles le 1er juillet et les États-Unis des élections de mi-mandat le 6 novembre.

L'administration Trump doit aussi composer avec des marchés financiers affichant une certaine crainte liée aux tensions commerciales.

«Le déclin récent de la Bourse peut mettre une certaine pression sur l'administration Trump pour obtenir un accord, afin de démontrer aux marchés que l'incertitude sur le commerce ne va pas durer de nombreux mois», a commenté Edward Alden, expert en commerce international au Council on Foreign Relations.

Pour autant, de nombreux points d'achoppement persistent dans les discussions entamées il y a près de 8 mois entre les trois pays en particulier les «règles d'origine» dans le secteur automobile, la proposition d'une clause crépusculaire, l'accès aux marchés publics américains et la volonté des États-Unis de s'exclure d'un chapitre sur un mécanisme de règlement des différends.

L'accord actuel spécifie qu'au moins 62,5 % des composants d'un véhicule doivent être fabriqués dans l'un des trois pays signataires de l'ALENA pour que celui-ci soit exonéré de droits de douane.

«Complexité des litiges»

Les États-Unis veulent faire passer ce pourcentage à 85 %, et que 50 % des pièces soient d'origine américaine, une proposition que rejettent le Mexique et le Canada.

L'administration Trump accuse l'ALENA d'avoir détruit l'emploi aux États-Unis. Elle le juge notamment responsable des délocalisations des constructeurs automobiles américains vers le Mexique où le coût salarial est moins élevé.

La presse canadienne a récemment évoqué la possibilité que les États-Unis renoncent à cette demande sur les règles d'origine. Mais cette information n'a pas été confirmée par Washington.

Le représentant américain du Commerce (USTR) Robert Lighthizer, négociateur en chef de l'ALENA, doit rencontrer mercredi Ildefonso Guajardo. Il avait souligné la semaine dernière sur CNBC qu'il avait «bon espoir» de conclure un accord.

«On continue de favoriser les négociations pour un bon accord pour les trois pays», a réagi de son côté à l'AFP le bureau du premier ministre canadien Justin Trudeau, ajoutant qu'il n'y avait rien de nouveau à annoncer.

«Étant donné l'importance et la complexité des litiges sur la table ainsi que les progrès limités réalisés jusqu'à présent, un accord ALENA rapide sera difficile à conclure», a estimé Edward Alden.

Il observe toutefois que l'accord récemment annoncé avec la Corée du Sud montre que «l'administration Trump est disposée à procéder à des changements plutôt mineurs».

«Si l'administration Trump faisait preuve d'une flexibilité similaire (pour l'ALENA), alors une conclusion positive est possible», a-t-il dit.