Les négociateurs américains témoignent d'un nouvel intérêt pour les propositions de leurs homologues canadiens concernant la révision des dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en matière d'automobile alors que les États-Unis semblent maintenant vouloir conclure rapidement la renégociation de l'entente.

Ces deux revirements sont interprétés par certains comme des signes que Washington a enfin réalisé qu'il devrait se contenter de modestes avancées pour un grand nombre de ses demandes s'il espère s'entendre avec Ottawa et Mexico au cours des prochaines semaines.

À la fin de la dernière série de négociations à Mexico plus tôt ce mois-ci, le négociateur en chef des États-Unis, Robert Lighthizer, avait déclaré que le temps commençait à presser pour conclure une entente avant que les «tourbillons politiques», soit la présidentielle mexicaine en juillet, les élections de mi-mandat américaines en novembre ainsi que les élections provinciales en Ontario et au Québec, ne viennent compliquer les choses.

Pour la première fois, M. Lighthizer avait exprimé publiquement le souhait de terminer les pourparlers sur l'ALENA, incluant la période de consultation de six mois auprès du Congrès et le vote de ce dernier sur la question requis par la loi, avant que de nouveaux représentants ne soient assermentés en janvier 2019.

Cela signifie que l'accord devrait être conclu durant ou très peu de temps après les prochaines discussions, dont les dates n'ont pas encore été officiellement annoncées, mais qui devraient commencer le 8 avril à Washington et durer 10 jours.

En privé, les représentants du gouvernement fédéral ont dit douter qu'une entente puisse être obtenue aussi rapidement, surtout parce que la campagne présidentielle doit démarrer à la fin du mois au Mexique et qu'aucun candidat n'a les moyens d'avoir l'air de faire des compromis à l'égard du président américain Donald Trump, qui est l'équivalent politique de la kryptonite dans le pays.

Ils croient que la seule possibilité pour arriver à un tel résultat serait que les États-Unis renoncent à plusieurs de leurs requêtes controversées et acceptent des changements mineurs dans quelques domaines importants, particulièrement en ce qui a trait à l'industrie automobile qui, selon le Canada, constitue le point de départ d'une renégociation réussie.

Robert Lighthizer lui-même a récemment mentionné le secteur automobile parmi les trois priorités de Washington relativement à l'ALENA.

Flavio Volpe, le président de l'Association canadienne des manufacturiers de pièces automobiles, a abondé dans le même sens que les négociateurs canadiens.

«Je suis d'accord avec tout cela», a-t-il déclaré en entrevue.

Et le fait que les négociateurs américains ont finalement accepté de le rencontrer il y a deux semaines porte M. Volpe à croire qu'ils sont arrivés à la même conclusion.

«Ç'a été une bonne réunion, ça m'a donné de l'espoir», a-t-il commenté, soulignant que les négociateurs avaient refusé ses invitations durant les six premiers mois de la renégociation de l'ALENA.

«Si vous prenez en considération le fait qu'ils étaient prêts à me recevoir à Washington pour une vraie rencontre, je pense que c'est le meilleur signe que nous sommes sur la bonne voie pour surmonter cet obstacle.»

Durant la réunion, les négociateurs de Washington ont réitéré leur demande initiale, soit que les véhicules devraient compter 85% de contenu nord-américain et 50% de contenu américain pour avoir l'autorisation de transiter librement entre les trois pays comparativement aux 62,5% de contenu nord-américain actuellement exigés par l'ALENA. Le Canada, le Mexique et l'industrie automobile ont rejeté d'emblée cette proposition.

Selon Flavio Volpe, les négociateurs ont également manifesté une certaine «curiosité intellectuelle» concernant la contre-proposition d'Ottawa à ce sujet.

Le Canada a suggéré que la liste des composantes de voitures et de camions pouvant être retracées soit mise à jour pour comprendre non seulement l'acier, l'aluminium et les plastiques, mais aussi des éléments relevant de la propriété intellectuelle comme les logiciels régissant les parties informatisées qui se retrouvent maintenant dans la plupart des véhicules et dont le nombre devrait augmenter avec le temps en raison de l'avènement des voitures autonomes.

Présenté en janvier, ce plan a été balayé du revers de la main par M. Lighthizer par crainte qu'il n'entraîne une hausse du contenu asiatique dans les véhicules, ce que les États-Unis cherchent justement à éviter.

Pour Jerry Dias, le président d'Unifor, le syndicat qui représente les travailleurs de l'industrie automobile canadienne, la proposition d'Ottawa n'était pas offensante et les trois pays auraient certainement pu s'en accommoder.

Il a cependant estimé qu'elle ne serait pas suffisante pour mener à la conclusion d'une entente d'ici le prochain mois sans que le Canada et le Mexique cèdent aux demandes inacceptables des États-Unis, un scénario qui ne risque pas, selon lui, de se produire.