La Banque centrale européenne a laissé jeudi ses taux inchangés et doit publier des prévisions traduisant son optimisme sur l'économie en zone euro, qui seront scrutées pour y lire le calendrier du prochain resserrement monétaire.

Comme attendu, l'institution de Francfort a maintenu son principal taux de refinancement à zéro, tandis que les banques vont continuer à payer un intérêt négatif de 0,40% pour les liquidités dont elles n'ont pas d'utilité immédiate.

Elle a également confirmé la réduction, annoncée en octobre, de son vaste programme de rachats de dette publique et privée, d'un rythme de 60 milliards d'euros à 30 milliards d'euros mensuels de janvier à septembre 2018, voire «au-delà si nécessaire».

Les regards se porteront à partir de 13h30 GMT (8h30 à Montréal) sur la conférence de presse du président de la BCE, Mario Draghi, marquée ce jeudi par de nouvelles prévisions macroéconomiques pour la zone euro, cruciales pour deviner l'orientation de la politique monétaire.

Dans la lignée de la Commission européenne, qui a nettement augmenté le mois dernier ses prévisions de croissance pour la région, l'institution de Francfort pourrait relever la sienne à 2,1% l'an prochain, contre 1,8% en septembre, puis à 1,8% en 2019 (contre 1,7%), et afficher pour la première fois une projection pour l'année 2020, en l'occurrence de 1,7%, estime Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet Wealth Management.

Patience

Côté inflation, l'indicateur clé pour calibrer la politique monétaire en zone euro, les marchés s'attendent aussi à un petit relèvement, ne serait-ce qu'en raison d'un prix du baril de pétrole brut Brent qui navigue actuellement au-dessus de 63 dollars, alors que la BCE avait retenu un prix inférieur de près de 10 euros selon ses dernières prévisions.

M. Draghi devrait à nouveau s'efforcer dans son discours de marier optimisme et appel à la patience, car la BCE ne s'attend pas à voir l'inflation revenir rapidement vers son objectif «proche de 2%» en glissement annuel à moyen terme.

En revanche, selon Gilles Moec, économiste de Bank of America, la prévision pour 2020 devrait être «en ligne» avec cet objectif: l'institution enverrait ainsi le signal qu'elle s'attend à arrêter fin 2018 ses rachats d'actifs sur le marché, baptisés «QE» (Quantitative Easing).

Comme les taux d'intérêt ne doivent remonter que «bien après» la fin du QE, un tel resserrement n'interviendrait donc que courant 2019, selon la majorité des projections.

Officiellement, la BCE refuse néanmoins toujours de fixer une date butoir pour l'arrêt de ce vaste programme de soutien à l'économie, bien qu'une minorité de membres du conseil des gouverneurs, dont Jens Weidmann, président de la Banque Fédérale d'Allemagne, affiche depuis des mois une position contraire.

Modération salariale

Comme les autres banques centrales, l'institution de Francfort est confrontée à une période de longue croissance et d'embellie de l'emploi sans que l'inflation ne suive, contrairement au phénomène classiquement observé par le passé.

Les hausses de salaire demeurent insuffisantes pour gonfler les indices de prix, bien que le taux de chômage en zone euro soit redescendu sous les 9% lors de l'automne, ce qui ne s'était plus vu depuis l'année 2009.

La BCE avance sur ce sujet avec prudence: d'un côté, elle estime que les facteurs qui freinent actuellement la progression des salaires devraient s'estomper progressivement, permettant in fine à l'inflation de retrouver son lien classique avec la croissance.

Mais de l'autre, elle veut éviter d'arrêter abruptement le QE ou de remonter subitement ses taux d'intérêt, ce qui pourrait alimenter la hausse de l'euro et s'avérer contre-productif pour les prix.

En conservant une ligne à la fois accommodante et flexible, la BCE reste donc en décalage avec son homologue américaine, la Réserve Fédérale américaine (Fed), qui a décidé mercredi de relever ses taux et envisagé trois nouvelles hausses l'an prochain.