La Banque centrale européenne (BCE) va réaffirmer jeudi via de nouvelles prévisions son optimisme sur la croissance en zone euro, mais éviter toute annonce suggérant un resserrement monétaire après celui effectué en octobre, selon les économistes.

Lors de la dernière réunion de l'année, l'attention sera portée sur les nouvelles projections macro-économiques de l'institut pour la zone euro, en prolongeant pour la première fois l'exercice jusqu'en 2020.

Les attentes de croissance pourraient être relevées dans la lignée de la Commission européenne, qui a nettement augmenté le mois dernier ses prévisions de PIB pour 2017 à +2,2%, du jamais vu en une décennie.

Bruxelles prévoit que la croissance pour les 19 pays de l'Union monétaire s'établisse ensuite à 2,1% en 2018 et 1,9% en 2019.

Côté prix, l'indicateur qui compte in fine pour calibrer la politique monétaire en zone euro, les marchés s'attendent aussi à un petit relèvement, mais plus tardif. Pour l'heure, la BCE table sur une inflation de 1,5% cette année, de 1,2% l'an prochain et de 1,5% en 2019.

Un niveau éloigné du niveau idéal souhaité par la BCE - légèrement en dessous de 2% - et qui donc n'augure pas de changement brutal de son cap monétaire de l'argent bon marché.

«Je pense que la prévision pour 2020 sera en ligne avec la stabilité des prix visée à terme», déclare à l'AFP Gilles Moec, économiste chez Bank of America.

Ce faisant, les membres du conseil des gouverneurs de l'institution «seront obligés de dire jeudi qu'ils auront effectivement réussi à atteindre leur objectif d'inflation à l'horizon de 3 ans à venir», ajoute-t-il.

Date butoir

En octobre, la banque centrale présidée par Mario Draghi a déjà souligné son regain de confiance dans la solidité de la reprise économique, laquelle doit entraîner in fine l'inflation dans les clous de son mandat.

L'institution a décidé en conséquence de prolonger son programme de rachats d'actifs, le «QE» (Quantitative Easing), jusqu'en septembre 2018, mais à un rythme mensuel réduit de 60 à 30 milliards d'euros à compter de janvier prochain.

Alors que la question de fixer ou non un terme aux achats d'actifs a divisé le conseil des gouverneurs, ce dernier a décidé de ne pas donner de date butoir, et maintenu que la taille et/ou la durée du programme - déjà lourd de plus de 2000 milliards d'actifs ramassés sur le marché - pouvaient à nouveau être augmentées si les conditions se détérioraient.

De même, il a été répété que les taux directeurs, actuellement au plus bas, allaient le rester bien après la fin des interventions sur le marché.

Inflation faible

Une posture justifiée en octobre par Mario Draghi du fait que l'inflation «n'est pas encore au niveau» souhaité, empêchant ainsi la BCE de relâcher de trop le pied de la pédale d'accélérateur.

L'inflation en zone doit du reste diminuer les mois à venir en raison d'effet statistique concernant les prix de l'énergie et des denrées alimentaires. En octobre, elle a ralenti à 1,4% et s'est ainsi éloignée du niveau jugé adapté par la BCE pour faire tourner la machine économique.

Plus préoccupantes, «les conditions précédemment énoncées par la BCE d'une hausse auto-suffisante et généralisée des prix sont encore loin d'être remplies», commente Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics.

Surtout, les hausses de salaires demeurent insuffisantes pour alimenter l'inflation, bien que le taux de chômage en zone euro soit redescendu sous les 9% lors de l'automne, ce qui ne s'est plus vu depuis l'année 2009.

Aussi, selon Gilles Moec, tout concourt à ce que la réunion jeudi du conseil des gouverneurs de la BCE aboutisse à «pas grand-chose», car selon lui l'institution «est en général réticente à modifier son discours deux fois en deux réunions.»

Selon les marchés, il devrait se passer encore quelques mois avant que la BCE n'annonce, probablement au début de l'été 2018, la sortie définitive du QE vers le mois de décembre de la même année, avant un premier relèvement des taux «bien après» selon sa formule consacrée, soit dans la seconde partie de 2019.