Inflation dopée, pouvoir d'achat en berne, consommation vacillante: le ralentissement de l'économie britannique renforce la pression sur la première ministre Theresa May qui se rend jeudi à Bruxelles pour essayer de relancer les difficiles négociations sur le Brexit.

La cheffe du gouvernement conservateur participe jeudi à un sommet européen où elle tentera de convaincre ses homologues du continent, lors d'un dîner, d'ouvrir les pourparlers sur l'avenir des relations entre le Royaume-Uni et l'UE, après la sortie britannique en mars 2019, et sur la transition qui pourrait accompagner ce bouleversement inédit.

Mme May risque d'être confrontée, une fois encore, à la fermeté des 27 autres pays du bloc. Et les problèmes économiques compliquent encore un peu plus sa position, s'ajoutant aux tiraillements de son parti conservateur entre partisans et adversaires du Brexit.

À trois reprises cette semaine, l'Office des statistiques nationales (ONS) a publié des données qui ont déçu, voire déprimé à Londres, où l'administration s'affaire à préparer le prochain budget de l'État du 22 novembre et, au-delà, la gigantesque tâche du Brexit.

Mardi, l'Office a annoncé que l'inflation avait atteint 3% en septembre sur un an pour la première fois depuis avril 2012. La dégringolade de la livre sterling depuis la décision des Britanniques de quitter l'UE lors du référendum du 23 juin 2016 renchérit en effet les produits importés.

La Banque d'Angleterre pourrait décider d'augmenter son taux directeur le 2 novembre pour contenir cet accès de fièvre des prix, mais l'équation n'est pas simple, car ce faisant elle pourrait faire caler un moteur économique qui crachote.

L'ONS a en effet prévenu, mercredi, que les salaires réels - c'est-à-dire en tenant compte de l'inflation - des Britanniques s'étaient effrités de 0,3% pendant la période de juin à août sur un an. Ce repli du pouvoir d'achat dure depuis des mois et pèse en premier lieu sur les ménages les plus modestes, ce qui donne des arguments aux opposants travaillistes de Mme May.

Leur chef, le leader de la gauche Jeremy Corbyn, a multiplié les piques à ce sujet à la Chambre des communes mercredi.

Angoisse du patronat

L'austérité salariale prolongée pèse sur la consommation des ménages, d'après plusieurs économistes, déçus par les données sur les ventes au détail en septembre qui ont diminué de 0,8% d'un mois sur l'autre, d'après l'ONS.

Après avoir connu un premier trou d'air en début d'année, la consommation qui a constitué le principal moteur de l'économie britannique ces dernières années s'était pourtant reprise au tournant du printemps et de l'été.

«La rechute de septembre alimente le soupçon que les progrès enregistrés en août ont été permis par les touristes étrangers venus profiter au Royaume-Uni de la livre faible et par des Britanniques qui ont passé davantage leurs vacances dans leur pays», a expliqué Howard Archer, analyste chez EY Item Club.

Au final, il s'attend à ce que la croissance du PIB au troisième trimestre n'ait atteint que 0,3% d'un trimestre sur l'autre, conservant le rythme mitigé adopté depuis le début de l'année. Les économistes indépendants interrogés par le Trésor tablent sur une croissance de 1,6% cette année et de 1,4% l'an prochain, contre 1,8% l'an dernier.

«Face à la dépendance exagérée du Royaume-Uni aux dépenses des consommateurs, le gouvernement doit clarifier d'où la croissance future proviendra», a lancé le chef des libéraux démocrates Vince Cable, des centristes pro-européens qui veulent annuler le Brexit.

Vénérable institution internationale, l'OCDE a d'ailleurs jugé mardi que l'économie du pays se porterait bien mieux si les Britanniques revenaient sur le Brexit.

D'autant que les entreprises se montrent précautionneuses avant d'investir dans le climat d'incertitude entourant la sortie de l'UE: le patronat somme désormais le gouvernement d'obtenir d'ici à la fin de l'année la garantie d'une période de transition après le Brexit.