Des représentants de diverses industries commencent à s'impatienter contre Washington dans le cadre de la renégociation de l'ALENA, alors qu'aucune demande précise n'a encore été soumise sur les enjeux les plus controversés.

La troisième ronde de pourparlers en vue de moderniser l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) se déroule depuis samedi à Ottawa. Des dizaines d'hommes et de femmes d'affaires des États-Unis, du Canada et du Mexique se sont réunis hier soir à Ottawa en marge de cette négociation, et certains n'ont pas hésité à dénoncer l'attitude du gouvernement américain.

« Le problème qu'on a, c'est qu'il est difficile de négocier quand des enjeux de taille ne sont pas discutés à la table, a déploré Eric Miller, président du Rideau Potomac Strategy Group, firme de consultants établie à Washington. Comme ce sont les États-Unis qui ont demandé cette négociation, le temps est venu pour eux de mettre des textes sur la table afin de nous permettre de discuter des enjeux difficiles. »

RÈGLES D'ORIGINE

L'un des dossiers les plus épineux touche la révision des règles d'origine, qui pourrait avoir un impact majeur sur l'industrie automobile canadienne. Les règles entourant le secteur agricole et la production laitière risquent aussi d'entraîner d'âpres négociations au cours des prochains mois.

Selon Eric Miller, qui représente plusieurs groupes canadiens dans le cadre de la renégociation de l'ALENA, des « désaccords internes » au sein du gouvernement de Donald Trump expliqueraient notamment les retards observés dans le dépôt des demandes américaines.

« L'administration de Trump a mené sa campagne en promettant de radicalement changer l'ALENA. Ils ont dit que c'était le pire accord commercial dans l'histoire. C'est dur de revenir en arrière et de dire le contraire. » - Eric Miller

ÉCHÉANCIER « AGRESSIF »

Alex Russ, directeur international de l'Association of Equipment Manufacturers, qui représente 60 entreprises (et 150 000 travailleurs) au Canada, remet en question l'échéancier fixé par la Maison-Blanche pour en arriver à un nouvel accord. Il souligne lui aussi que Washington tarde à déposer ses demandes sur les points les plus chauds.

« L'idée de terminer la négociation avant la fin de l'année nous semble très "agressive", a-t-il noté. Nous voulons avoir une entente qui sera complète, et qui sera la meilleure qu'on puisse obtenir. »

John Murphy, vice-président de la U.S. Chamber of Commerce, observe de son côté beaucoup de « bonne volonté » de la part des trois pays en vue de trouver des « solutions créatives » pour moderniser l'ALENA. Il a toutefois reconnu hier soir que beaucoup de travail restait à faire.

« Nous arrivons au début de la fin du commencement de ces négociations », a-t-il résumé pendant un point de presse dans un hôtel du centre-ville d'Ottawa.

FREELAND SE DÉFEND

Plus tôt en journée, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a dû affronter plusieurs attaques des partis de l'opposition dans le dossier de l'ALENA. Ceux-ci accusent le gouvernement libéral de ne pas en faire assez pour défendre les travailleurs canadiens. La ministre a répété qu'elle travaillait « avec énergie et vigueur » afin de défendre l'intérêt national du Canada.

La troisième ronde de renégociation de l'ALENA prendra fin aujourd'hui à Ottawa.