L'accord de libre-échange Canada-Europe - l'Accord économique et commercial global ou AECG - entre en vigueur de manière provisoire aujourd'hui. L'entente avait failli être rejetée l'an dernier avec l'opposition de la région belge de Wallonie. L'opposition continue de se faire entendre en Europe, mais les gouvernements des deux côtés de l'Atlantique se réjouissent de la levée des barrières commerciales.

510 MILLIONS

L'Europe compte 510 millions de consommateurs, souligne le ministre du Commerce international François-Philippe Champagne. « C'est vraiment un accord historique », dit-il en entrevue avec La Presse. L'Europe ouvre aussi ses marchés publics aux entreprises canadiennes : il y en a pour 3300 milliards par année. « L'accord couvre tous les niveaux de gouvernement : supranational, national et régional, dit-il. J'étais chez un fabricant d'uniformes de police à Sherbrooke cette semaine et ils trouvent ça intéressant d'avoir accès à ces marchés. » Évidemment, cela vient avec l'accès réciproque des entreprises européennes aux marchés publics canadiens.

98 %

On dit que 98 % de l'accord entre en vigueur aujourd'hui. Évidemment, c'est une façon de parler. Pour l'essentiel, ce sont les nouveaux droits de douane qui s'appliquent dès aujourd'hui. Cette responsabilité relève de l'Union européenne. Le reste est sujet à l'approbation unanime des États membres. Et la contestation continue dans les capitales européennes contre les mesures de protection des investissements contenus dans l'AECG. Les opposants craignent une concurrence accrue entre secteurs agricoles et un affaiblissement des normes sanitaires et environnementales. Est-ce que les tarifs douaniers seront maintenus en toutes circonstances ? La question reste ouverte, reconnaît le ministre Champagne, qui demeure optimiste : « Il y a une question constitutionnelle qui se soulèverait, mais une fois que les éléments économiques sont en place, que les tarifs tomberont à zéro, la situation parlera d'elle-même. »

0 %

Aujourd'hui, des milliers de tarifs douaniers avec l'Europe tombent à zéro. D'autres seront baissés progressivement. C'est une bonne nouvelle pour beaucoup d'exportateurs canadiens, mais cela ne garantit pas des percées commerciales. Par exemple, dès aujourd'hui, le tarif de 8 % sur les homards vivants disparaît. Celui de 12 % sur la crevette surgelée aussi. « Ça nous ouvre les horizons, dit O'Neil Cloutier, directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie. On est en mesure de faire plus de compétition aux Américains. Mais la question est d'amener rapidement le homard, en l'absence d'aéroport. Il faut travailler avec Halifax et Montréal, alors que le homard survit 48 heures hors de l'eau, sur la glace. Il manque des outils, comme un aéroport dans la région, pour pouvoir commercer. »

0,4 %

Selon le directeur parlementaire du budget, l'accord de libre-échange avec l'Europe « se traduira par des gains, quoique modestes, pour le Canada ». Il va ajouter 0,4 % au PIB canadien à long terme, mais « la balance commerciale du Canada avec l'Union européenne se détériorera légèrement, soit d'environ 2 milliards de dollars en dollars de 2015 ». Les secteurs désavantagés sont « certains produits laitiers et agricoles, les textiles et certains biens de fabrication et machines ». D'autres devraient sortir gagnants : les transports et les véhicules automobiles, les métaux non ferreux et le blé.

39,8 MILLIARDS

En 2016, le Canada a exporté pour 39,8 milliards de biens vers l'Union européenne, qui est le deuxième client du Canada après les États-Unis, devant la Chine. Mais les États-Unis demeurent dominants : ils importent 10 fois plus de produits canadiens que l'Europe. L'accord représente une « chance extraordinaire pour le Québec et le Canada », affirme Christian Sivière, spécialiste du commerce international. « Pour des entreprises manufacturières québécoises qui importent des matières premières et des pièces, elles pourront s'approvisionner en Europe au lieu d'en Asie, avec des délais de livraison beaucoup plus courts, dit-il. Pour les exportateurs canadiens, un des défis sera de contrer les informations négatives sur l'Europe. C'est un marché où les lois sont prévisibles, où la propriété intellectuelle est respectée. »

MÉTAUX CONTRE MACHINES

La principale exportation du Canada vers l'Europe ? Les « métaux et pierres précieuses », avec 13,2 milliards. Dans le sens inverse ? Les machines (17 milliards) et le matériel de transport (11 milliards). Cet aspect du commerce Canada-Europe ne risque pas de changer, et c'est dommage, affirme Scott Sinclair, du Centre canadien des politiques alternatives. « C'est certain que nous voulons avoir des relations commerciales avec l'Europe. Nous avons déjà un déficit commercial avec eux, mais au-delà de la balance commerciale, il y a la nature du commerce. Nous importons surtout des produits à haute valeur ajoutée et nous exportons des matières premières. L'AECG renforce cette tendance, et ce n'est pas sain pour l'économie canadienne. »