La Banque centrale européenne devrait observer le statu quo monétaire jeudi lors de sa réunion délocalisée à Tallin (Estonie), les attentes se focalisant sur tout signal suggérant une sortie prochaine de sa politique expansive.

La BCE va selon toute attente maintenir des taux directeurs en zone euro à leur plus bas historique - avec le principal taux à zéro et celui sur les dépôts à -0,40% - et poursuivre le programme d'achats de dette au rythme de 60 milliards par mois, jugent les économistes.

Le conseil des gouverneurs présidé par Mario Draghi devrait en même temps réfléchir à l'opportunité de lancer un débat sur une inflexion à venir de sa politique, du fait que l'économie en zone euro affiche une santé plus robuste qu'espéré, au moment où seront dévoilées les nouvelles prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) et de l'inflation à l'horizon 2019.

Confrontée fin 2014 à une croissance apathique et à un risque de déflation, un poison pour l'économie, la BCE avait décidé de faire tourner la planche à billets et de se lancer dans de massifs achats d'actifs à partir de mars 2015. Depuis mars 2016, les taux sont quant à eux scotchés à leur niveau le plus bas pour faciliter la distribution de crédit et soutenir l'investissement.

Mario Draghi n'a eu de cesse depuis de louer les résultats de cette politique, au regard d'indices de confiance au plus haut, du taux de chômage à son plus bas depuis 2009 (9,3% en mai) et d'un risque de déflation écarté.

Le repli des politiques d'austérité en zone euro et le niveau faible du prix du pétrole contribuent également à donner de l'entrain aux dix-neuf pays de la zone.

L'inflation piétine

Mais cela ne suffit toujours pas aux yeux de la BCE pour lever le pied, car «en même temps, la reprise cyclique n'a pas amené de pression inflationniste», souligne Carsten Brzeski, chez ING Bank.

L'inflation en glissement annuel s'est de nouveau tassée au mois de mai à 1,4% après avoir atteint 1,9% en avril.

Mesurée sans les éléments volatils liés à l'énergie et aux denrées alimentaires, la progression de l'indice est même retombée à 0,9% sur un an le mois dernier, un niveau plus bas que prévu.

L'inflation sous-jacente ne décolle pas du fait d'un taux de sous-emploi chez de nombreux actifs, qui pèse sur les salaires et le pouvoir d'achat et au bout du compte empêche que les tensions inflationnistes habituelles ne se produisent.

Cette situation perdurant, «la BCE reste encore éloignée de son objectif essentiel qui est de ramener durablement l'inflation en direction des 2%», estime Carsten Klude, chez M.M.Warburg.

La BCE «est fermement convaincue» du besoin de poursuivre sa politique expansionniste, a d'ailleurs martelé Mario Draghi lors de sa récente audition devant le Parlement européen.

Communication bien pesée

Il y a toutefois de bonnes raisons de penser que l'institution va changer des éléments de sa communication, en guise de lever de rideau d'actions futures.

Selon Jack Allen, chez Capital Economics, «ce ne serait pas une grande surprise si la BCE gommait sa référence aux taux pouvant encore descendre +à des niveaux plus bas" de même qu'à l'augmentation des achats d'actifs si la situation se détériorait.»

La BCE voulant toutefois éviter d'éveiller des attentes trop fortes sur le marché, «il n'est pas certain qu'un consensus se dégage au conseil pour changer de manière très marquée la communication sur l'action future, connaissant déjà les réticences de Mario Draghi et du chef économiste Peter Praet sur le sujet», juge Elga Bartsch, économiste chez Morgan Stanley.

Les observateurs sont déjà calés sur la rentrée de septembre, qui serait selon eux le moment adéquat pour faire des annonces sur la réduction progressive («tapering») du programme de rachats d'actifs, dont l'échéance est prévue fin 2017.