Affichant sa volonté de s'attaquer au déficit commercial des États-Unis, Donald Trump a demandé vendredi à son administration de recenser les pays qui «trichent» avec les règles en place mais aussi de proposer toutes les évolutions nécessaires pour «protéger» l'industrie américaine.

«Nous allons défendre notre industrie et créer, enfin, des conditions équitables pour les travailleurs américains», a-t-il déclaré depuis le Bureau ovale en présentant deux décrets visant à désigner les causes et les responsables du déficit américain.

«Année après année, décennie après décennie, déficit commercial après déficit commercial (...) des milliers d'usines ont été volées de notre pays», a-t-il ajouté. Évoquant les exportateurs qui «trichent», il a affiché sa volonté de prendre les mesures nécessaires «pour mettre fin aux abus» sans donner de précisions sur les secteurs ou les pays qui pourraient être concernés.

L'administration Trump a opté pour un changement radical en matière commerciale, envisageant de dénoncer plusieurs accords de libre-échange, aussi bien régionaux comme l'ALENA que mondiaux, ou de réformer l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la structure multilatérale chargée de libéraliser les échanges commerciaux.

«Nous allons corriger ces mauvais accords de libre-échange, il est temps», a déclaré M. Trump depuis le Bureau ovale.

Pour le secrétaire au Commerce Wilbur Ross, chargé de ce vaste réexamen, ces décrets marquent «le début d'un chapitre complètement nouveau dans les relations commerciales avec nos partenaires à travers le monde».

Selon ce dernier, l'objectif est d'aboutir, d'ici 90 jours, à une liste «pays par pays, produit par produit» qui devra identifier les cas de «triche», mais aussi d'accords de libre-échange qui n'ont pas tenu leurs promesses ou encore des règlements non respectés.

Toujours selon lui, les pays potentiellement visés sont la Chine, l'Allemagne, le Japon, le Mexique, l'Irlande, le Vietnam, l'Italie, la Corée du Sud, la Malaisie, l'Inde, la Thaïlande, la France, la Suisse, Taiwan, l'Indonésie, le Mexique ou encore le Canada.

Mais être désigné ne signifie pas nécessairement que des mesures de représailles seront prises. «Dans certains cas, cela sera simplement qu'ils sont meilleurs que nous pour produire tel ou tel produit ou qu'ils peuvent le produire moins cher», a-t-il expliqué.

Ces décrets ont été présentés à quelques jours de la première rencontre très attendue entre M. Trump et son homologue chinois Xi Jinping, en Floride.

D'un tweet jeudi soir, M. Trump a prévenu que la rencontre serait «très difficile». «Nous ne pouvons plus avoir d'énormes déficits commerciaux (...) et des pertes d'emplois», a-t-il mis en garde.

Trudeau tempère

Illustrant cette ligne américaine dure sur le commerce, la Maison-Blanche a donné l'exemple du secteur de la sidérurgie dans lequel, selon elle, des groupes européens ou asiatiques pratiquent du dumping, ce qui est nuisible pour l'industrie américaine.

L'administration Obama avait entamé une procédure pour instaurer des droits antidumping sur certaines importations d'acier en 2016.

L'Allemagne a très vivement réagi: «Je ne peux que prendre connaissance avec une grande incompréhension de la décision du ministère américain de l'économie d'une procédure antidumping contre Salzgitter et Dillinger Hütte», deux sidérurgistes allemands, a dit le ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel, parlant d'une «étape dangereuse».

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a souligné vendredi «l'extrême importance» de travailler avec l'administration Trump sur le dossier commercial tout en évitant cependant de dramatiser les dernières annonces américaines.

«Nous allons travailler ensemble pour améliorer ce qui est notre objectif fondamental et commun», c'est-à-dire dégager de la croissance «pour la classe moyenne», a-t-il affirmé.

Le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni s'est aussi ému vendredi matin, déclarant qu'il fallait «réaffirmer notre confiance dans des économies et des sociétés ouvertes, sur laquelle nous avons bâti des décennies de prospérité».

Il faudra «prendre une position claire sur un sujet sur lequel il ne peut pas y avoir d'ambiguïté», lors d'une réunion du G7 fin mai en Italie, a déclaré M. Gentiloni.

Lors de la réunion des ministres des Finances du G20 mi-mars à Baden-Baden (Allemagne), les États-Unis ont ainsi imposé un virage historique à ce groupe des pays les plus puissants du monde en bloquant toute condamnation du protectionnisme dans le communiqué final.